Numérique et handicap des personnes , un atout pour l’économie française ?
Par (Alain Assouline) , président du réseau des écoles WebForce3 (*), fondateur du programme Handi4Change ( point de vue dans la Tribune)
La question de l’accès des personnes en situation de handicap à la formation et à l’emploi pose la question de leur pleine citoyenneté. Et plus largement du rapport au travail, rémunérateur, émancipateur et créateur de lien social. Même lorsqu’elles travaillent, elles occupent plus souvent un emploi d’ouvrier non qualifié et moins souvent de cadre, travaillent plus souvent à temps partiel et sont plus souvent en situation de sous-emploi[2]. En parallèle, le manque d’accès à la formation des personnes handicapées en France est criant dans les formations traditionnelles. Et pas toujours considéré à sa juste importance dans les formations émergentes qui vont façonner le tissu économique des années avenir.
Les personnes en situation de handicap pourraient pour beaucoup d’entre elles accompagner l’économie française dans sa transformation digitale. Car on a beau crier que le numérique détruit des emplois, la réalité est différente.
Le numérique crée des emplois, et pourrait en créer encore beaucoup plus. Loin de l’eldorado du codeur star vendant sa virtuosité au plus offrant, c’est toute l’économie, TPE, ETI, grands groupes et services publics, qui a besoin aujourd’hui de talents formés à des métiers du digital ou à des fonctions transverses dans ces métiers.
Ceux-ci sont bien plus variés et massifs qu’on veut le croire : développeurs bien sûr, mais aussi chefs de projet digital, techniciens cybersécurité, administrateurs de réseau, ou encore dans le marketing digital. Sans parler des experts analystes de données, blockchain ou intelligence artificielle… Ces fonctions seront demain dans toutes les entreprises. Certaines n’existent pas encore, d’autres existent mais ne sont pas formalisées ou n’obéissent pas à une nomenclature traditionnelle, et manquent de visibilité. Mais c’est une certitude : les entreprises du numérique de toutes tailles se plaignent de manque de main d’œuvre, de niveau Bac + 2 à Bac + 5. Sans parler de toutes les entreprises et services publics qui introduisent toujours plus de numérique dans leur fonctionnement.
Alors que Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du Numérique, rappelait récemment que 80.000 emplois étaient à pourvoir en France dans les seuls métiers du numérique, on peut se demander comment le numérique n’a pas encore été l’objet de toutes les attentions pour résoudre le sous-emploi des personnes handicapées.
La France dispose de nombreux savoir-faire et parmi eux l’accompagnement des publics éloignés de l’emploi. Les initiatives pour les décrocheurs, chômeurs longue durée, personnes discriminées ou fragiles, se sont développées, ont été évaluées. Nombreuses sont celles qui ont prouvé leur efficacité. Avec un principe clef : l’adaptabilité.
Pour les personnes en situation de handicap, il est quelquefois difficile de se rendre sur le lieu de formation quand on est en fauteuil, difficile de suivre le rythme lorsqu’on a des troubles de l’attention, difficile de s’intégrer à un groupe quand on a des troubles du comportement.
La digitalisation des processus de formation offre de nombreuses opportunités permettant d’aménager les emplois du temps, de proposer des rediffusions, des exercices en ligne, des échanges avec des professeurs de grande qualité, de s’évaluer dans un groupe de niveau en temps réel… Autant d’outils qui peuvent être réinvestis afin de rendre possible la formation des personnes en situation de handicap ayant simplement besoin d’une gestion du temps et de modalités de formation différentes et adaptées.
Il existe enfin un saut intellectuel à franchir par des personnes en situation de handicap sur leur capacité à évoluer vers des emplois innovants, des emplois qui sont au cœur de l’évolution de l’entreprise de demain. Et en cela de lutter contre leurs croyances limitatives, quelles que soient l’origine de ces dernières. Et au reste de la société, d’y voir une opportunité rare de faire entrer dans l’entreprise toujours plus de diversité. Car embaucher ces personnes, c’est pallier le besoin de main d’œuvre, mais c’est aussi bénéficier de leurs compétences, de leur engagement souvent exceptionnel, de leur parcours et de leur regard singulier au sein du groupe. »
[1] D’après le bilan au 1er semestre 2018 du marché du travail des personnes handicapées par l’Agefiph
[2] Etude de la Dares, Ministère du Travail, 2015
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