Bébés sans bras : » un problème de santé publique ?
L’affaire des bébés sans bras pose un double problème, un qui met en cause la santé publique, un autre sur la gestion d’éventuels risques. L’administration en charge de la gestion de la santé a déclaré d’emblée qu’il n’y avait pas de problème d’ampleur nationale. Une affirmation un peu péremptoire et surtout prématurée dans la mesure où il faudra sans doute des études épidémiologiques sur des les années voir des dizaines d’années pour le vérifier Une erreur méthodologique aussi d’importance car la première démarche est de faire une enquête qualitative sur les différents cas et les facteurs explicatifs possibles. Ensuite seulement doit venir le temps de la quantification. D’une manière générale, c’est un scandale de confier à ceux qui gèrent le risque de faire une enquête sur leur propre gestion de ce risque. Ce que dénonce la directrice générale du registre des malformations en Rhône-Alpes. Emmanuelle Amar réagissait à la plainte déposée par une famille de l’Ain au début du mois contre X pour « mise en danger de la vie d’autrui » dans le cadre de l’affaire des bébés nés sans bras. Leur enfant est né en 2012 avec une agénésie transverse du membre supérieur. (Interview France Info)
C’est vous qui avez révélé cette affaire depuis qu’un médecin a signalé en 2010 trois premiers cas d’enfants nés sans bras ou main dans l’Ain. Est-ce que vous comprenez la volonté de cette famille de l’Ain de faire appel à la justice ?
Emmanuelle Amar : Je ne crois pas trop m’avancer en disant que les familles ont été échaudées et qu’elles se trouvaient dans une impasse, face à un mur, sans savoir quoi faire alors que la réalité des cas est là. On leur oppose des motivations ou des raisons statistiques alors qu’on sait que la statistique n’a pas grand chose à faire avec une affaire de santé publique telle que celle-ci. Elles n’avaient donc pas d’autre interlocuteur vers lequel se tourner que la justice et je pense que c’est peut-être une bonne chose.
Ça veut dire que les deux enquêtes menées jusque-là par Santé publique France peuvent être biaisées ?
Je ne sais pas dans quel pays on confie les clés d’une commission d’enquête à ceux-là même qui ont affirmé qu’il n’y avait pas d’excès de cas et qui ont affirmé qu’il n’y avait pas lieu de faire une enquête. Ce sont à ces mêmes institutions qu’on a confié les clés d’une commission d’enquête et en réalité, on retombe exactement au même point où on était en 2018 et 2017.
L’intervention d’un magistrat indépendant pourrait changer la donne ?
Je le crois. Dans un premier temps, le magistrat instructeur va se retrouver à Marseille, ça permet un peu de dépayser, de dépassionner l’affaire. Il offre une garantie d’indépendance et d’impartialité. La question n’est pas tant de chercher des responsabilités que de comprendre ce qui a pu se passer. Ce qu’on peut déplorer, c’est qu’en général, pour trouver un agent toxique responsable, on a tout à gagner à rapprocher les informations. L’objectif est de repérer celles qui sont en commun avec les différents sites où des malformations ont été observées. Ça permet de faciliter leur exploitation, de rassembler les éléments de preuve. Là, on fait tout le contraire, on dit qu’on ne cherchera pas dans l’Ain, en Loire-Atlantique et pour ce qui est du Morbihan, on cherchera mais uniquement à Guidel et dans des données administratives. On comprend que les parents soient déçus. Aujourd’hui, on n’a aucune idée de l’agent causal et on a l’impression avec cette commission qui a décidé qu’il n’y aurait de recherches de faites qu’à Guidel, que tout est mis en œuvre pour qu’on ne le trouve jamais.
Quel serait l’intérêt de Santé publique France de faire cela ?
C’est très difficile à dire, et d’ailleurs ce n’est pas à moi de préjuger. Tout ce que je sais, c’est que nous avons averti en temps et en heure et après nos alertes, les enfants sont nés sans bras aux endroits où on avait déjà alerté. On sait très bien que d’un point de vue statistique, en fonction de la définition d’un cas, en fonction des critères géographiques, temporaux, les résultats peuvent varier du tout au tout. Donc, la question statistique, on peut la prendre en considération, il va y avoir un débat, mais elle ne se pose pas en premier lieu. Elle va intervenir mais en deuxième, troisième position. Là, elle intervient en première position et ça choque parce que la question n’est pas là. La question est qu’il y a un problème de santé publique qui n’a pas été pris en considération.
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