Economie allemande : menacée de récession
D’après une étude de Xerfi parue dans la Tribune, l’Allemagne est menacée de récession. En cause, la structure même de la croissance allemande qui traditionnellement s’appuie sur les exportations notamment d’automobiles. Or le marché automobile mondial est en pleine crise. . Le consultant AlixPartners estime que le secteur va souffrir du tassement des ventes non seulement en Chine mais aussi aux États-Unis et en Europe. On s’interroge aussi sur l’effet de normes de plus en plus contraignantes notamment de la part l’Europe vis-à-vis des émissions polluantes. Les restructurations du secteur seront justifiées par les évolutions technologiques (véhiculent unitairement plus économes en carburant, véhicules hybrides et véhicules électriques notamment). En attendant, on essaye de vendre à coups de rabais les surplus de production, ce qui ne favorise pas la profitabilité de l’activité à un moment où les investissements doivent être particulièrement importants pour les raisons évoquées précédemment. En attendant, l’industrie manufacturière allemande est en recul depuis le 4e trimestre 2018 et compte tenu de l’évolution de la production manufacturière et des carnets de commandes, indicateur avancé de l’activité industrielle, nul espoir d’amélioration à court terme.
Le retournement du cycle manufacturier mondial pèse de tout son poids notamment sur la demande de biens d’équipements adressée à l’Allemagne. Il y a donc une composante cyclique dans les déboires actuels de l’industrie allemande. Mais le mal est plus profond encore, car il touche aussi l’automobile dont la descente ne semble pas transitoire. Le nombre de véhicules qui sort des chaines de production outre-Rhin est inférieur de 17% à ses derniers pics de 2016-2017. Longtemps mis en avant, l’argument des difficultés spécifique des constructeurs allemands dans la mise en œuvre de nouvelles normes réglementaires ne tient pas. S’ils avaient été confrontés à un problème particulier, alors les constructeurs allemands auraient vu, au moins temporairement, chuter leurs parts de marché.
En fait, si leur production baisse, c’est que les immatriculations mondiales ont violemment décroché, notamment dans les pays émergents : c’est le cas de la Chine mais aussi depuis peu de l’Inde. Dans ces pays, la voiture est le marqueur de l’émergence de la classe moyenne, une classe moyenne dont l’essor est aujourd’hui bien plus chaotique qu’anticipé et sur laquelle les industriels allemands comptaient pourtant bien assoir leur croissance. Mais ce n’est pas beaucoup mieux du côté des États-Unis où les ventes automobiles plafonnent et où les industriels allemands sont, en plus, dans le collimateur de l’administration Trump. Quant à l’Europe, que ce soit dans la Zone euro ou au Royaume-Uni, les immatriculations reculent depuis plusieurs mois maintenant.
Géographiquement étendue, le malaise de l’auto, qui pèse un cinquième de l’industrie allemande, parait durable et la spécialisation internationale de l’Allemagne dans les biens d’équipement et l’automobile, notamment adaptée aux pays émergents, est devenue un handicap.
C’est donc la demande domestique qui tient encore la croissance, mais c’est un fil très fragile. D’abord parce que, côté revenu, la tendance de fond reste à la modération salariale, une anomalie soulignée par Rexecode : faiblesse de la hausse du coût du travail bloquée à 1,8% l’année dernière dans l’industrie et les services ce qui est peu dans une économie proche du plein emploi avec un taux de chômage descendu en dessous de 3,5%.
Ensuite, parce qu’une part croissante du budget des ménages prend la direction du logement et alimente ce qui s’apparente de plus en plus à une bulle. Depuis 2010, les prix de l’immobilier ont flambé de 65%, ce qui correspond à une progression de 5,7% en moyenne par an, alors qu’ils n’avaient quasiment pas bougé durant les années 2000. Les loyers ne sont pas en reste, avec un doublement en 10 ans à Berlin, par exemple, avec une nette accélération en fin de période. Cela grève bien évidemment le budget des ménages et ampute leur capacité à dépenser plus. C’est la fin de la pierre angulaire de la compétitivité allemande : la sagesse de l’immobilier comme contrepartie rendant acceptable les faibles revalorisations salariales.
Dernier sujet de préoccupation, l’amoncèlement de créances douteuses des banques allemandes, signe que les excédents ont été placés parfois de façons hasardeuses et font de moins en moins office de matelas de sécurité. La Deutsche-Bank, proche de la perdition, marque l’échec de l’industrie bancaire allemande.
Bloquée à l’international, très fragile à l’intérieur, la probabilité d’une Allemagne en récession est un risque à intégrer, concrétisant ce que l’on pressentait depuis longtemps : le pire ennemi de l’Allemagne, c’est son succès, l’incapacité à se remettre en cause, lorsque le système est à son apogée, mais proche de l’épuisement.
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