Une ancienne député LREM se rebelle
Elue en 2017 sous l’étiquette macroniste, la députée , Frédérique Dumas dénonce dans uen interview à l’Opinion la pensée unique du parti de Macron ( députée des Hauts-de-Seine en juin 2017 sous l’étiquette macroniste). Un an plus tard, elle a claqué la porte de LREM. Aujourd’hui, elle juge que la majorité en vient à refuser tout contre-pouvoir.
Voterez-vous la confiance au gouvernement d’Edouard Philippe à l’issue de la déclaration de politique générale ?
Je m’abstiendrai car ce dont j’ai besoin pour pouvoir accorder ma confiance, c’est de preuves. Or, j’ai quitté le 17 septembre 2018 La République en marche car, à mes yeux, nos fondamentaux avaient été trahis. Après les européennes, nous sommes toujours sur le Titanic, l’orchestre joue de plus belle le sempiternel refrain « On garde le cap ». Alors que tout change autour de nous, la majorité ne fait qu’appliquer les recettes du passé, en vogue depuis des décennies, de manière plus radicale sous prétexte qu’elles n’auraient pas assez été appliquées. Mais pourquoi, par exemple, les 66 propositions avancées par Nicolas Hulot et Laurent Berger ont-elles été si abruptement écartées ? Elles proposaient pourtant un chemin vers un nécessaire changement de modèle, de manière non utopique. Au lieu de cela, on nous propose Matrix, avec une majorité qui n’a tout simplement pas conscience de se trouver coincée dans une matrice virtuelle. Le président de la République a placé Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, et Benoît Ribadeau-Dumas, le directeur de cabinet d’Edouard Philippe, à la tête d’une « delivery unit », et les parlementaires de la majorité sont transformés en courroies de transmission d’une pensée unique, d’un logiciel unique.
Vous êtes sévère…
Oui car aujourd’hui, plus grave encore, la majorité remet profondément en cause l’esprit de la démocratie. Elle veut nous imposer de rejoindre un parti unique. Des ministres nous expliquent que ceux qui pensent à l’intérêt du pays n’ont d’autre choix que de rejoindre En Marche. Cela n’est pas autre chose que de la propagande. Le délégué général de LREM nous explique, lui, que si un parlementaire ne vote pas la confiance au gouvernement, la majorité ne travaillera pas avec lui et cela, quelle que soit la pertinence de ses propositions, juste parce qu’il n’est pas dans la ligne ! On nous rabâche le mot « émancipation » alors que l’on ne fait que nous proposer l’auto-asservissement.
S’il n’y a aucun contre-pouvoir, il n’y a plus d’équilibre des pouvoirs. Ce n’est pas parce que La France insoumise ou Les Républicains ont été dans une opposition trop souvent systématique et caricaturale que LREM est par essence intelligente. Ce que nous propose aujourd’hui la majorité, c’est de renoncer à la possibilité d’avoir le choix, de renoncer à la bienveillance, de renoncer à rendre accessible la complexité. Imposer un choix binaire, manichéen entre le camp du bien et le camp du mal comporte en plus un réel risque : celui de la prophétie autoréalisatrice. Moi, je veux continuer à faire partie de ceux qui se battent pour que toutes les idées puissent continuer à exister. Depuis trente ans, j’ai toujours défendu la diversité culturelle. Si au niveau politique, on explique qu’il n’y a plus besoin de diversité autre que celle « acceptée » par la matrice, il n’y a plus de démocratie. Je n’ai qu’à citer François Bayrou en 2002 – « Si on pense tous la même chose, c’est qu’on ne pense plus rien » – et Emmanuel Macron en 2017 – « Il faut cesser d’utiliser son intelligence à trouver des raisons d’accepter ».
Qu’allez-vous faire ?
Je vais quitter le groupe UDI-Agir à l’Assemblée nationale. Je l’ai rejoint après mon départ de LREM, car c’était un lieu où l’on pouvait se positionner, sans pression, en fonction de ses convictions. Mais à l’occasion des élections européennes, Agir, dont le président, Franck Riester, est ministre de la Culture, est devenu une composante de la majorité, bien que ses membres s’en défendent. J’ai également décidé de quitter l’UDI, auquel j’avais réadhéré cet automne. Lors des européennes, la plupart des propositions de sa liste étaient inapplicables, d’autres n’avaient pas de sens à mes yeux. Quitte à proposer un chemin difficile mais qui va dans le sens de l’histoire, autant voter pour la liste Jadot. Ce que j’ai dit et ce que j’ai fait à titre personnel.
Où allez-vous siéger maintenant à l’Assemblée nationale?
Je ne veux plus aucune étiquette. Une étiquette, cela vous enferme, créé des barrières invisibles mais bien réelles. Je vais donc désormais siéger dans le groupe Liberté et territoires. C’est un groupe qui réunit des sensibilités différentes au service d’un projet de société. Il faudra être à la hauteur de cette promesse. Il ressemble au groupe auquel j’appartiens à la région Ile-de-France. Et je veux coopérer avec d’autres, là où ils sont, à la construction du modèle de demain. Il nous faut bâtir « l’internet de la politique ».