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Une aristocratie des diplômes, pas une aristocratie des talents (Daniel Karyotis)

Une aristocratie des diplômes, pas une aristocratie des talents (Daniel Karyotis)

 L’avis de Daniel Karyotis, directeur général de la Banque Populaire Auvergne-Rhône-Alpes dans une interview aux Échos

« Naguère, la France s’appuyait sur un système scolaire qui lui permettait très en amont d’identifier des aptitudes particulières chez certains jeunes collégiens et les enseignants jouaient leur rôle de détecteurs de talents. Certes, cet environnement n’était pas optimal, et beaucoup restaient au bord du chemin, mais j’avais l’impression à l’époque que chacun pouvait réussir. Et cela a été un puissant moteur de motivation pour moi qui n’était pas issu d’un milieu favorisé.

si, je me souviens, quand j’étais jeune étudiant, des portraits de dirigeants de grandes entreprises que réalisait « L’Expansion » et qui me paraissaient inaccessibles. Et je découvrais avec étonnement, mais avec une immense satisfaction, que tel grand patron était fils de boulanger, de cheminot, de douanier ou d’épicier et cela m’avait convaincu qu’en France la réussite était possible pour chacun d’entre nous. Ce phénomène a duré plusieurs décennies et était qualifié de « méritocratie républicaine » et « d’ascenseur social » . Ainsi après les 30 glorieuses économiques (1945-1975) émergeaient les 30 « reconnaissances sociales » si on pouvait ainsi les qualifier.

Mais que s’est-il passé à partir des années 2000 en France ? Pourquoi l’ascenseur social s’est-il mis brutalement à l’arrêt contrairement à ce qu’affirment encore aujourd’hui nos élites ?

Première observation : ceux et celles qui ont bénéficié de l’ascenseur social ont poussé leurs propres enfants à faire les meilleures études possibles, ce qui est compréhensible. J’ai eu l’occasion d’échanger sur ce sujet avec Raymond Lévy, aujourd’hui décédé, et qui fut un grand serviteur de l’État et un grand chef d’entreprise (Usinor, Renault…). Nous étions en désaccord sur ce sujet alors que lui-même, fils d’épicier, avait fait Polytechnique et le Corps des Mines. Mais il souriait quand je lui disais que ses quatre enfants avaient fait l’X aussi sans exception et ainsi que 5 de ses petits enfants ! De quoi déjà nous interpeller, il me semble.

Second élément : l’éclat économique de notre pays se patine année après année et le réflexe d’un repli sur soi est devenu très puissant. On se protège d’abord soi-même, ensuite les siens et enfin ceux et celles du même sérail : on exclut tous les autres ! N’est-il pas surprenant que dans tous les secteurs d’activité en France, sans exception (médecin, avocat, médias, acteur-réalisateur, chanteur ou même écrivain…), on retrouve régulièrement les « fils ou filles de ». Difficile de se faire une place dans un tel contexte.ar ailleurs, avec le « bac pour tous » (belle idée à l’origine), notre système scolaire s’est contorsionné de telle sorte que ceux qui veulent réaliser des études brillantes commencent dès le collège à enchainer les cours de soutien pour avoir plusieurs années d’avance sur les programmes. Notre simple bachelier a donc peu de chance de performer post-bac, d’autant que les parents lâchent prise très vite devant la complexité croissante des programmes et des matières. Vive le marché lucratif des cours de soutien et des multiples concours qui vous font débourser plusieurs centaines d’euros pour une simple inscription…

La méritocratie est donc mise à mal et la médiocratie nous guette. La médiocratie ne signifie pas bien sûr que nos diplômés sont d’un médiocre niveau. Elle sous-entend simplement qu’un nombre croissant de jeunes talents s’est perdu sur le chemin arpenté des études et que le terrain de jeux des hautes études est réservé à quelques-uns. Ajoutons aussi, pour aller plus loin sur l’exclusion, que les stages constituent là encore une autre forme, moins connue, de discrimination, car difficile de trouver un très beau stage rémunéré sans appuis solides…

Plus que jamais, la machine à reproduire les élites s’est emballée dans notre pays à un rythme d’autant plus élevé que la dureté de la conjoncture exacerbe les excès d’individualisme.

Agissons donc très vite ; les exemples d’ouvertures des grandes écoles à la diversité doivent être massivement reproduits à grande échelle et l’Université doit accélérer sa mutation.

Par ailleurs, je suis aussi convaincu que face à un tel constat, les entreprises devraient diversifier les process de recrutement en les axant davantage sur la détection de potentiels et talents, mais aussi d’énergie positive en oubliant les classiques CV universitaires. »

Daniel Karyotis est directeur général de la Banque Populaire Auvergne-Rhône-Alpes

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