« Le malaise démocratique »
C’est l’analyse du le politologue Luc Rouban dans une tribune au Monde (extraits)
« . Le macronisme est une redoutable machine politique, car il produit l’adversaire qui lui permet d’exister, alors qu’il a longtemps joué sur le même registre : la modernité des réseaux sociaux et la défiance à l’égard des corps intermédiaires. C’est dire qu’il risque aussi d’autoentretenir longtemps le malaise démocratique déjà bien présent lors de l’élection présidentielle de 2017. Le mouvement des « gilets jaunes » en offre la confirmation la plus claire.
Né du rejet profond des élites et de la politique économique qu’elles défendent, il s’est constitué en révolte populiste qui partage avec le Mouvement 5 étoiles italien, mais aussi avec le macronisme, nombre de points communs : une certaine indétermination partisane, bien que les drapeaux tricolores soient bien plus présents sur les ronds-points que les drapeaux noirs ou rouges, une volonté de célébrer de manière communautaire le rejet d’un système social qui produit des normes venues « d’en haut » sans tenir compte des réalités du « bas », la déception face à des promesses de lendemains qui chantent toujours reportées à plus tard, la colère des petites classes moyennes en mobilité sociale descendante, le sentiment d’impuissance face à des mécanismes de décision qui échappent de plus en plus au citoyen ordinaire.
Il y a du 1789 dans le mouvement des « gilets jaunes », avec les cahiers de doléances ouverts par les municipalités, mais sans les leaders d’opinion qui existaient alors ni la volonté d’élire des représentants. Il y a aussi du juin 1848, avec la tentation insurrectionnelle des catégories populaires contre la république bourgeoise, mais sans que ce mouvement puisse s’appuyer sur le seul monde ouvrier. Mais il y a surtout le sentiment, exacerbé par l’horizontalité des réseaux sociaux, que l’on a oublié l’article 3 de la Constitution de 1958, qui dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
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