Comment électrifier l’économie ? (Charles Cuvelliez)

Comment électrifier l’économie ? (Charles Cuvelliez)

Faut-il et comment électrifier l’économie  Par Charles Cuvelliez, Université de Bruxelles.( la Tribune)

 

« Les émissions mondiales de carbone se sont donc accrues de 1,6 % en 2017 et de 2 % cette année. Est-ce qu’il n’est pas trop tard ? Juste avant la COP24, le parlement européen a voté l’objectif de 32 %, au lieu de 30 %, la part d’énergie renouvelable en 2030. La Commission vient de proposer de resserrer un autre objectif, celui de la baisse des émissions de CO2, à 40 % en 2030 par rapport à 1990 pour être sûr d’atteindre 60 % en 2050. Rêve-t-elle debout ?

Avec un tel objectif, si on y croit encore, il faut faire feu de tout bois. L’électrification des transports par route et de la consommation domestique d’énergie devrait en faire partie. Le premier secteur représentait 25 % des émissions CO2 en 2014 et la consommation d’énergie à la maison, 10 %, dans l’UE. En France, ces chiffres montent respectivement à 36,7 % et 13,3 %. L’idée sous -jacente pour justifier l’électrification du foyer est que seule une proportion faible de particuliers n’installeront jamais du photovoltaïque et encore moins une mini-éolienne pour améliorer leur bilan CO2. Electrifier le domicile, c’est prendre en charge, à la place du particulier, son empreinte carbone et mutualiser les investissements nécessaires. Cela a du sens.

Qu’entend-on par électrification ? Pour le transport, c’est le remplacement progressif des véhicules à essence et au diesel par leur équivalent électrique. Chez soi, c’est le remplacement par le tout électrique et par des pompes à chaleur, des chauffe-eau, des radiateurs, des gazinières. Le pari est qu’à l’horizon 2050, la proportion de renouvelable dans l’électricité sera suffisante pour qu’on y gagne. On veut y croire avec la course aux énergies renouvelables et au (lent) décollage des véhicules électriques ou hybrides qui vainquent les résistances des particuliers. Il n’y a pas de raison d’être fataliste : 2050, c’est aussi dans plus de 30 ans.

Le défi est ailleurs. Si l’Europe fixe les objectifs, c’est aux Etats membres de développer leur propre stratégie pour les atteindre. La diversité des situations dans chaque Etat membre ne permet pas de faire autrement. Le chauffage électrique est prédominant en France, il est limité en Belgique. Les pompes à chaleur sont très répandues en Suède mais nulle part ailleurs. Quant à l’électricité, c’est le gaz qui prédomine aux Pays-Bas pour le produire, le nucléaire en France et l’hydroélectrique en Autriche.

Par leur mix énergétique très variable, certains pays devront en faire plus. Les politiques énergétiques des Etats membres achèvent de compliquer ce tableau: l’Allemagne sort du nucléaire en 2023, la Belgique en 2025. La France vient de décider de ramener progressivement à 50 % la part de nucléaire dans son électricité. Certains Etats membres ont annoncé leur volonté de sortir du combustible fossile pour leur électricité mais d’autres non. La réduction du CO2 via un effort sur le transport et le domestique n’a pas été une priorité politique. A tort. Ce qui est sûr, c’est que l’augmentation de la demande, avec une électrification totale, sera substantielle. Il faudra construire des centrales thermiques en plus : on risque de perdre à gauche ce qu’on a gagné à droite.

D’après une étude du CERRE qui s’est penchée de manière exhaustive sur des scénarios de 5 Etats membres, en France, l’augmentation de la demande en électricité se chiffrera à 62 %. Aux Pays-Bas et en Belgique, on monte même à 83 % et 91 % par rapport aux niveaux de 2016. Lors d’un jour moyen avec du vent et du soleil, il faudra, en 2050, en France, jusqu’à 47 % de production d’électricité via du gaz pour y arriver.

Toute la question est de savoir si, au bilan, la réduction de gaz consommé à la maison est supérieure à la demande de gaz supplémentaire pour produire l’électricité qui doit s’y substituer. Y gagne-t-on ? Oui, car le gaz est une simple variable d’ajustement temporaire. En Belgique, en France et en Allemagne, la demande de gaz va augmenter mais l’électrification des transports et des maisons va tout de même abaisser de 80 % les émissions de CO2. Même en tenant compte qu’il faudra de la production thermique en plus, l’électrification de l’économie française permettra de baisser en brut de 71 % les émissions de CO2 et en net de 48 %…Au-delà de 2050, on peut espérer que brut et net se rejoindront au fur et a mesure de l’installation de plus de renouvelable.

Les conséquences collatérales d’une électrification complète de l’économie ne doivent pas faire reculer. Qui dit augmentation de la demande en gaz (et des centrales thermiques) dit expansion du réseau électrique et gazier. Le CERRE estime qu’en France, le réseau électrique va devoir s’agrandir de 35 % et de 33 % pour le réseau gaz. Pour la France, on évoque une multiplication de la capacité de centrales à gaz de 3 à 4, un chiffre élevé mais dû au caractère intermittent du renouvelable. Pour attirer les investisseurs, il faudra songer à les rémunérer à la capacité installée. Il y a d’autres pistes comme le power-to-gas, un moyen de stocker l’énergie, mais il faudra que la surproduction d’électricité renouvelable soit conséquente. Ce qui ne sera pas le cas selon l’étude avec une telle demande. Electrifier a aussi un coût social d’adapter les maisons, remplacer les systèmes de chauffage et, pour les transports, renouveler les flottes, construire des stations de recharge. De même, utiliser les batteries de voiture comme moyen de stockage de l’électricité, une piste prometteuse, sera de peu d’aide en cas d’électrification à grande échelle. Au bilan, l’équation reste favorable pour la France, d’après le CERRE : à l’horizon 2050, la France s’en sortirait plutôt bien avec un coût net de 15 milliards d’euros soit 0,5 % du PIB. C’est très faible comparé aux 7 % pour les Pays-Bas et 4 % pour l’Allemagne. Il faut dire que les économies, ne fut-ce qu’en combustibles fossiles, jouent pour beaucoup pour limiter la casse.

Quel est l’intérêt de ces chiffres ? Ils sont impressionnants et montrent que rien n’est perdu. Le plus grand danger est le fatalisme qui pourrait s’installer (à quoi bon, il est trop tard) à cause d’une mauvaise communication alors que les équations économiques et techniques disent l’inverse.

Pour en savoir plus :

 

 

Le capitalisme comme solution à l’écologie (Laurent Pahpy) !!!

 

. Par Laurent Pahpy, ingénieur, analyste pour l’Institut de recherches économiques et fiscales (IREF).

Il faut quand être gonflé pour soutenir que seul le capitalisme peut prendre en charge la régulation environnementale.  Pas étonnant cet article vient des Echos, journal sérieux quant il se limite aux faits et aux chiffres objectifs mais qui devient d’un ésotérisme sulfureux quand il faut défendre les valeurs de l’argent et les puissants. Pourtant  Laurent Pahpy, ingénieur, analyste pour l’Institut de recherches économiques et fiscales (IREF) affirme que la solution pour l’environnement  c’est le capitalisme. Et de ressortir la théorie à la mode du signal prix qui ré internalise dans l’économie de marché des problématiques sociétales. Un article à lire cependant et qui prouve qu’il y a encore de l’avenir pour les évangélistes du profit.

 

« Les dernières prévisions alarmantes du GIEC justifieraient pour beaucoup une remise en cause radicale de notre modèle de civilisation. Lors de son ultime discours en tant que ministre de l’Écologie, Nicolas Hulot avait expliqué qu’il n’avait « pas réussi à combler cette ligne de faille entre l’économie et l’écologie ». La recherche perpétuelle et égoïste de profit épuiserait les ressources de la planète et nous mènerait droit à la catastrophe. De multiples exemples à travers le monde contredisent cette affirmation péremptoire. En Namibie, une approche contre-intuitive a été adoptée dans les ranchs privés depuis près de cinquante ans. Les éleveurs ont remplacé leurs troupeaux de bovins par des réserves de faune et de flore locales. L’attrait des touristes occidentaux pour les safaris est bien plus profitable et permet aux propriétaires de rentabiliser la reproduction et la protection des girafes et autres antilopes face au braconnage. Dans ce pays, la population d’animaux sauvages dans les ranchs a augmenté de 80 % depuis l’instauration de droits de propriété privée en 1967. Ce succès s’explique par la recherche du profit. Considérée à tort comme un vice, elle est un puissant incitateur pour le propriétaire à prendre soin de son capital naturel s’il parvient à le monétiser par la culture, l’élevage ou le tourisme. Lorsqu’une ressource n’appartient à personne (ou à tout le monde- ce qui revient au même), chacun est amené à la piller, à l’exploiter ou à la polluer jusqu’à l’épuisement total. Ce constat n’était pas étranger à Aristote, qui remarquait que « ce qui est commun au plus grand nombre fait l’objet des soins les moins attentifs. L’homme prend le plus grand soin de ce qui lui est propre, il a tendance à négliger ce qui est commun ». Les drames écologiques surgissent moins de la défaillance que du défaut de marché, à l’image de la surpêche où il n’est pas possible de définir des titres de propriété sur les poissons en l’état de la technologie actuelle. Néanmoins, quand cela peut se faire, l’instauration de droits de propriété est le meilleur moyen de mettre fin à la tragédie des biens communs et d’attribuer une grande valeur aux ressources écologiques rares. Les réussites sont légion. À 40.000 euros le kilo, le commerce de corne de rhinocéros en Afrique du Sud permet aux propriétaires des animaux de financer la protection et la reproduction du mammifère tout en en tirant profit. C’est en garantissant des droits de propriété marqués au fer rouge sur les bisons d’Amérique que l’espèce a été sauvée de peu de l’extermination au XIXe siècle. Autre exemple, l’aquaculture permet de satisfaire toute l’augmentation de la demande en poisson depuis le début des années 1990 et va bientôt dépasser la pêche traditionnelle en quantité. Notons que les espèces marines toujours menacées de surpêche comme le thon rouge sont celles qui n’ont pas encore été domestiquées. Certes, le développement économique affecte parfois dramatiquement les écosystèmes et la biodiversité (enfin ! NDLR), mais il arrive un seuil à partir duquel la situation s’inverse et s’améliore grâce aux richesses et aux technologies accumulées. L’augmentation des rendements agricoles permet de nourrir en quantité et en qualité la population tout en laissant la place à des espaces naturels plus sauvages. Dans les régions ayant dépassé un PIB par habitant de 3.900 euros, les forêts reprennent du terrain. Même si des efforts doivent encore être accomplis, la qualité de l’air s’est grandement améliorée dans les pays occidentaux. Dans ces derniers, les déchets plastiques sont traités, stockés ou recyclés à plus de 95 % et ne sont plus rejetés dans la nature. Lorsque nos besoins élémentaires sont satisfaits et que notre niveau de vie augmente, une partie de nos ressources peut être allouée au recyclage, à la protection de la biodiversité et à la production d’énergies décarbonées. Dans les pays ayant adopté l’économie de marché et qui sont, par conséquent, les plus riches, l’indice de performance environnementale bat tous les records. La France est d’ailleurs en deuxième place derrière la Suisse et devant le Danemark. Même le World Wide Fund(WWF), dont l’approche méthodologique est fortement critiquable, calcule que la biodiversité a augmenté de 10 % dans les pays riches depuis les années 1970. Dans les pays qui refusent l’économie de marché, le non-développement économique est à l’origine des plus grands drames écologiques de notre époque. L’absence de traitement des eaux et des déchets véhicule des maladies gravissimes. Les affections diarrhéiques tuent encore près de 4.000 personnes par jour dans les pays pauvres. Une personne meurt toutes les dix secondes dans le monde à cause de la pollution de l’air issue de la cuisson au feu de bois. En plus de sauver des centaines de milliers de vies chaque année, la gazinière ou le raccordement électrique limitent la déforestation. Les approches décroissantes ou malthusiennes sont donc des contresens si l’on veut améliorer la situation écologique de la planète tout en éliminant la misère et les maladies. Si la nature est capitale pour l’humanité, protégeons sa valeur économique grâce au capitalisme pour lutter contre la tragédie des biens communs ! Comme l’expliquait l’économiste Julian Simon, le statut de « ressource » est relatif à l’usage que l’on en fait. Leur rareté fait augmenter leur prix ce qui incite les entrepreneurs à les rationner, les recycler, ou en développer des substituts. La connaissance, la technologie, la richesse accumulées depuis deux siècles et les innovations que nous n’imaginons pas encore nous permettront de nous adapter au changement climatique. Nous sommes déjà capables d’inventer des robots sous-marins face aux parasites de la grande barrière de corail, de modifier génétiquement des moustiques contre la malaria et de développer des plateformes de crowdfunding pour sanctuariser des espaces naturels. Débarrassons-nous des marchands de peur et de catastrophisme. Libérons-nous des entraves à la recherche scientifique et au développement technologique. Par l’innovation et nos choix de consommation quotidiens, devenons les acteurs du progrès dans une économie de marché résolument prospère et écologique. » (Amen ! NDLR)

 

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