«Le danger de l’inflation non vertueuses » (Jean-Paul Betbèze)
L’économiste attire l’attention sur BFM sur les dangers d’une inflation qui reprend tandis que la croissance, elle se tasse°
« Nous voici, en France, avec plus d’inflation pour moins de croissance ! Nous avons 2,3 % d’inflation en juillet en France et allons vers 1,7 % de croissance. L’an dernier à pareille époque, l’inflation était de 0,7 % et la croissance allait dépasser 2 %. Comment expliquer ce croisement ?
En France, les prix de l’énergie ont explosé, +14 % en un an (pour un poids dans la consommation des ménages de 8 %), puis ceux du tabac (+16,8 % sur un an, pour un poids de 2 %). Les prix de l’alimentation ont accéléré à 2 % sur un an et ceux des services à 1,3 %. L’accélération de l’inflation est donc pétrolière et tabagique en France. En même temps, la croissance a décéléré : ces hausses ont pesé sur la demande des ménages, d’autant plus que l’augmentation de la CSG sur les retraités fait baisser leur revenu. Mais la France n’est pas isolée. L’inflation en zone euro atteint 2,1 % avec une décélération de la croissance à 0,3 % au deuxième trimestre. Alors, mauvaise passe ou changement ?
Mario Draghi ne dit pas tout : monter les taux d’intérêt plus lentement que l’inflation entretient des taux réels négatifs, donc une perte sur l’épargne accumulée, et pousse à consommer
Mauvaise passe, sauf si nous nous trompons ! Car cette accélération de l’inflation est l’inverse de ce que veut Mario Draghi : plus d’inflation mais pour plus de croissance, graduellement, et surtout à sa manière. Son rêve est une inflation vers 2 %, pour monter avec retard ses taux d’intérêt, les hausses de salaires suivant ensuite. Cette inflation est importée, avec un pétrole plus cher et un euro plus faible. Ceci permet plus de croissance par l’export, en attendant que la demande interne prenne le relais. La BCE pourra alors en profiter pour se montrer sous son bon jour : plus d’inflation par plus de salaire !
Euthanasie des rentiers. Mais Mario Draghi ne dit pas tout. Premier secret : monter les taux d’intérêt plus lentement que l’inflation entretient des taux réels négatifs, donc une perte sur l’épargne accumulée, et pousse à consommer. Deuxième secret : monter lentement les taux déprécie l’euro par rapport au dollar. Troisième secret : si les salaires réels baissent, ceci permet de demander sans peine qu’ils augmentent à terme, en échange de plus de réformes pour les flexibiliser !
Autrement, quand ils monteront ici, ce qui commence, il sera très compliqué de les freiner. C’est le secret américain : croissance à 4,1 %, chômage à 4 %, inflation à 2,9 % et salaires à 3 % ! Justement, maintenant que l’inflation se réveille, Mario Draghi répète qu’il veut monter ses taux le plus tard possible, et essaie d’y contraindre son successeur. En France, peut-on profiter de cette montée de l’inflation ? Oui, en expliquant d’où elle vient : pétrole et tabac. Ce n’est donc pas une raison pour monter les salaires et renouer avec une politique d’indexation, même si des tensions apparaissent dans quelques PME, en quête de profils spécialisés. Nous avons un taux de chômage de 8,9 %, avec 1,1 million de personnes en recherche depuis plus d’un an. Pour les chômeurs, c’est de formation supplémentaire qu’il s’agit, et pour les salariés, de primes et d’intéressement, avec la montée des résultats. La solution Draghi, « plus d’inflation pour plus de croissance », doit donc être définie, Mario est malin ! Il s’agit d’une inflation importée, donc d’une euthanasie des rentiers couplée à une baisse des salaires réels. Horreur ! Mais elle a marché aux États-Unis. Laissons passer cette inflation temporaire et monter le dollar, formons et réformons surtout. Autrement la croissance, ici, faiblira de nouveau. »
Jean-Paul Betbeze est économiste, président de Betbeze conseil
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