Canicule : vers un manque d’eau ?
Laurence Gourcy, hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières fait le point dans une interview sur France Info.
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Au regard de toutes ces rivières asséchées, doit-on s’inquiéter de l’état de nos nappes phréatiques ?
Laurence Gourcy : Nos informations datent de fin juin, mais connaissant l’inertie des nappes, la situation est toujours la même. Et elle est plutôt favorable ! On a des niveaux plus hauts que les mêmes mois des années antérieures. On est sur un niveau favorable sur toute une partie de la France, excepté quelques secteurs : vers Colmar, sur la nappe d’Alsace, qui est en dessous de la moyenne, la vallée du Rhône qui est déficitaire, un déficit qui se poursuit puisqu’on l’a déjà observé l’année dernière. Et puis dans l’arrière-pays en Provence-Alpes-Côte d’Azur, on a des nappes qui sont de petits volumes et qui se remplissent et se vident très rapidement. Le fait que nous n’ayons pas de précipitations pendant plusieurs semaines implique que, pour ces nappes, les niveaux sont plutôt défavorables.
Mais la situation des nappes n’est pas particulièrement alarmante ?
Non, puisque la dernière recharge des grands réservoirs a été très bonne. D’octobre à avril, on a eu de bonnes pluies donc on a bien rechargé les systèmes et on a une décrue qui est lente. Le problème va peut-être se poser après octobre puisqu’à ce moment-là, on doit avoir une nouvelle recharge qui doit nous permettre d’atteindre de nouveau des niveaux normaux dans les nappes. Le moment sera alors critique. On saura alors si la recharge suivante est aussi favorable que celle de l’année dernière.
De toute façon, on ne recharge pas les nappes phréatiques en été, sauf certaines petites nappes de manière locale.
Pourquoi certaines rivières souffrent-elles de sécheresse, si les nappes ne sont pas à un bas niveau ?
Les rivières sont soit reliées aux eaux souterraines, soit complètement déconnectées. Il y a des régions, comme le bassin parisien, où les nappes sont corrélées aux rivières, ça veut dire que les rivières continuent de couler l’été grâce aux eaux souterraines.
Par contre, il y a des endroits où soit les nappes sont très profondes, soit elles sont peu nombreuses, soit, pour des raisons topographiques, ces eaux souterraines ne sont pas connectées aux rivières. En fait, l’assèchement d’une rivière n’est pas en lien avec le niveau des eaux souterraines. Par exemple, le Doubs est beaucoup plus sensible aux pluies directes et cette sécheresse n’est donc pas surprenante. Les rivières peuvent être asséchées sans que cela soit lié au niveau des nappes.
En revanche, la canicule va avoir un rôle dans l’évaporation pour les sols et les rivières. L’absence de pluie va pousser les plantes à aller chercher de l’eau plus profondément et cela peut avoir un impact sur les eaux de rivière, sur les plantes et les sols. Mais cela n’aura qu’un faible effet sur les eaux souterraines.
Et que se passera-t-il si la « recharge » d’octobre n’est pas suffisante ?
C’est ce qu’il s’est passé à l’été 2017, avec une recharge à l’hiver 2016-2017 insuffisante. Du coup, vous avez un début d’été qui commencer de manière défavorable, avec des niveaux d’eau plus bas que la normale et comme on ne recharge pas l’été, ils vont diminuer quand les plantes vont reprendre leur activité, dès le début du printemps.
Or c’est bien l’épisode de pluie de l’automne-hiver qui compte. Par exemple, les décisions des volumes à utiliser, pour les agriculteurs, sont toujours prises vers avril-mai parce qu’on connaît l’état de la recharge et on sait de quel volume d’eau on pourra disposer pendant l’été. Il faudra donc garder un œil sur les précipitations de cet automne et de cet hiver.
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