France : « Risque pour la croissance future « ( Christopher Dembik.)
L’économiste de la Saxo Banque Christopher Dembik indique dans la Tribune que la France a bénéficié d’une conjoncture plus favorable depuis l’arrivée de Macron mais cette croissance due à des facteurs exogènes pourrait bien se tasser à l’avenir. (Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Banque et récipiendaire du prix du meilleur prévisionniste pour la France en 2015).
Comment expliquez-vous les bonnes performances économiques de la France en 2017 ?
CHRISTOPHER DEMBIK - La dynamique de croissance en 2017 a peu à voir avec Emmanuel Macron. En réalité, au cours des dernières années, l’économie française a bénéficié d’une conjonction de facteurs favorables : une baisse concomitante de l’euro, des prix du pétrole et des taux d’intérêt, et une amélioration marquée de la croissance du crédit français (particulièrement des flux de nouveaux crédits qui servent d’indicateur avancé à la croissance du PIB). Le bond du crédit a précédé l’élection présidentielle de 2017 et provient directement de la politique monétaire accommodante de la BCE, mais aussi des réformes en faveur des entreprises mises en œuvre à partir de 2014 par François Hollande comme le Pacte de responsabilité et de solidarité de 2014 et les crédits à l’embauche qui ont soutenu l’investissement, donc favorisé le recours au crédit.
Y-a-t-il eu un « effet Macron » comme beaucoup de commentaires pourraient-le laisser penser ?
Il est objectivement beaucoup trop tôt pour évaluer les conséquences économiques et financières exactes des réformes prometteuses qui ont été engagées par le Président Macron. Si l’on considère le marché obligataire, un indicateur fiable du sentiment des investisseurs, l’effet Macron n’a donné aucun élan. De novembre 2016 au printemps 2017, les investisseurs japonais évitaient la France et privilégiaient les obligations allemandes en raison des incertitudes liées à l’élection présidentielle. Peu après, la situation est revenue à la normale. Les achats mensuels nets japonais (Allemagne moins France) sont même inférieurs à leur niveau sous la présidence de François Hollande. Aucun effet Macron n’est perceptible sur le marché obligataire.
Jusqu’à présent, ce que nous appelons « l’effet Macron » est surtout un très gros regain de confiance, particulièrement visible au niveau du moral des chefs d’entreprise, et une campagne de communication très bien menée pour attirer les investisseurs. Autant que je me souvienne, c’est la première fois que la France adhère officiellement et sans ambiguïté au capitalisme et à la mondialisation. Concrètement, des opportunités émergentes se présentent aux investisseurs étrangers : non seulement ce qu’on appelle la « FrenchTech », mais, avant tout, une vague de privatisations qui va toucher des entreprises à forte valeur ajoutée dans différents secteurs (aéroports, constructeurs automobiles, jeux de hasard, etc.) et l’introduction d’une fiscalité plus favorable aux investisseurs.
Quelles sont vos prévisions pour 2018 et 2019 en termes de croissance ?
Nous considérons que le pic d’accélération de la croissance a été atteint fin 2017-début 2018. On devrait à court terme encore évoluer proche de 2% mais le risque est élevé que la croissance française déçoive à l’avenir. D’après nos prévisions, « l’effet Macron » tant attendu risque d’être contrebalancé par des facteurs conjoncturels et structurels défavorables, notamment la normalisation de la politique monétaire des deux côtés de l’Atlantique, le ralentissement économique chinois qui est certainement plus prononcé que les chiffres officiels ne le laissent croire et surtout un niveau de croissance potentiel du PIB très faible, qui a été revu à la baisse par le Trésor à 1,25%.
La multiplication des mouvements sociaux (grèves à la SNCF et chez Air France) pourrait-t-elle vraiment peser sur l’économie française ?
Les grèves vont avoir un impact sur l’activité, en grignotant quelques dizaines de points de hausse du PIB, mais l’effet négatif pourrait être atténué si ces mouvements sociaux s’atténuent rapidement, ce qui semble être le cas. La bonne nouvelle, c’est que la France se réforme, avec notamment la présentation du projet de loi Pacte dans les prochaines semaines au conseil des ministres, et qui va redonner une bouffée d’air frais à l’économie française. Dans le même temps, les corps intermédiaires peinent à mobiliser, ce qui semble indiquer qu’une majorité silencieuse est plutôt prompte à laisser sa chance au gouvernement.
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