Radicalisation : enfin un vrai plan ?
Le Premier ministre Édouard Philippe entourés des ministres concernés dont la Garde des Sceaux, a présenté 60 mesures pour prévenir. Parmi celles-ci, 9 relèvent du ministère de la Justice.
« Prévenir pour protéger » illustre l’ambition gouvernementale pour mieux identifier, signaler et prendre en charge les signes avant-coureurs d’une rupture avec les principes républicains. Le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) s’appuie sur la mobilisation et la coordination entre les acteurs de l’État, les collectivités territoriales et la société civile. Les retours d’expérience du terrain et les pratiques des partenaires européens ont été pris en compte pour établir le plan national de prévention.
Les 60 mesures du plan national de prévention de la radicalisation reposent sur 5 axes :
1) Prémunir les esprits face à la radicalisation
2) Compléter le maillage détection / prévention
3) Comprendre et anticiper l’évolution de la radicalisation
4) Professionnaliser les acteurs locaux et évaluer les pratiques
5) Adapter le désengagement
9 mesures pour le ministère de la Justice
3 mesures se rapportent à la réinsertion des mineurs de retour de zones de groupements terroristes. Il s’agit notamment de renforcer la professionnalisation et la coordination des acteurs et d’évaluer régulièrement la situation des mineurs dans le cadre d’un suivi dans la durée.
3 mesures concernent le suivi de détenues radicalisés comme le développement des capacités d’évaluation des détenus ; la conception et la répartition sur le territoire des quartiers de prise en charge des personnes radicalisées (QPR) ou encore des programmes de prévention de la radicalisation violente dans l’ensemble des établissements susceptibles d’accueillir des détenus poursuivis pour des faits de terrorisme islamiste.
1 mesure porte sur les centres de prise en charge individualisée pour des publics radicalisés ou en voie de radicalisation placés sous-main de justice.
1 mesure pour objectif l’accompagnement et le suivi renforcés en appui de ces centres et en sortie de détention
Enfin, une 9ème mesure a pour objectif d’organiser les retours et partages d’expériences entre les services du ministère de la Justice et le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation concernant la prise en charge des différents publics sous-main de justice dans les programmes de prévention de la radicalisation.
« Il ne faut pas continuer à mettre des pansements partout mais plutôt prendre le problème à la racine », explique au JDD Sandrine Mörch, députée de La République en marche qui va prendre la tête d’une mission « flash » sur le sujet en compagnie de Michèle Victory (PS). « Jusque-là, on n’avait pas su prendre cette problématique et on se retrouve avec des jeunes sous le joug de certaines théories du complot, regrette de son côté Danièle Cazarian députée LREM du Rhône et membre d’un groupe de travail sur le sujet. En aidant nos jeunes à bien se construire, on peut lutter efficacement contre ce phénomène de radicalisation. » L’une des propositions du gouvernement vise à « mieux encadrer l’ouverture des établissements privés hors contrat et leur affecter des équipes d’inspecteurs académiques spécialisés » pour ainsi éviter la montée en puissance de structures islamistes. En 2016, Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l’Education, avait tenté de conditionner l’ouverture de ces écoles par l’obtention d’une autorisation préalable mais sa proposition avait été retoquée par le Conseil constitutionnel.
Le gouvernement veut aussi « développer les dispositifs de soutien à la laïcité et renforcer la formation des enseignants ». Un premier pas vers l’instauration d’un enseignement laïc du fait religieux à l’école? Le gouvernement n’a pas souhaité s’avancer jusque-là mais la mesure est souhaitée par plusieurs parlementaires membres du groupe de travail sur la prévention de la radicalisation dont Brigitte Liso députée LREM du Nord. Selon elle, cela pourrait se matérialiser par un cours spécifique ou un « enseignement transversal qui serait évoqué dans les cours de science, d’art plastique ou d’histoire ». « Je crois qu’on y est prêt, on le préconise à moyen terme », renchérit Danièle Cazarian qui affirme que la question a été évoquée avec le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer. En attendant, le gouvernement veut faire un effort sur « l’éducation aux médias, notamment pour prémunir les élèves des théories du complot ». « Il faut donner plus d’outils aux enseignants pour aborder ces questions », affirme Sandrine Mörch qui veut par exemple encourager le recours aux intervenants extérieurs. Danièle Cazarian envisage aussi d’agir dans le milieu du sport, qui est « à la fois un vecteur de radicalisation et de désengagement ».