Corées : un enjeu politique…et économique

Corées : un enjeu politique…et économique  

Dans une interview au Figaro, le chercheur Antoine Bondaz,  explique la dimension politique du rapprochement entre les deux Corée à l’occasion des jeux olympiques. Il fait toutefois l’impasse sur la dimension économique. Si effectivement la Corée-du-Nord cherche à obtenir une reconnaissance politique internationale, elle  tout autant besoin d’un soutien  économique pour nourrir des habitants qui ne disposent pas du minimum vital pour survivre surtout depuis le blocus décidé par les États-Unis. Bref, l’échange  classiques riz contre l’assouplissement de la diplomatie.

 

 

 

- La reprise des relations en Corée entre le Nord et le Sud semble se faire rapidement. Ce rapprochement – avec notamment l’annonce de rencontres entre représentants des deux pays – est-il une réalité?

 

 

Antoine BONDAZ - Le rapprochement entre la Corée du Sud et la Corée du Nord se fait dans l’intérêt des deux pays. Depuis le retour au pouvoir des progressistes, Séoul cherche à renouer le dialogue avec Pyongyang, et avait notamment tendu la main après le discours du président Moon Jae-in prononcé à Berlin en juillet 2017. L’objectif de dénucléarisation n’a jamais été remis en cause mais une avancée sur le dossier nucléaire n’est plus un prérequis à la reprise du dialogue intercoréen. Moon Jae-in entend associer sanctions et dialogue.

Ce changement de cap à Séoul est primordial car les relations sont à leur plus bas niveau depuis les années 1990. En 2017, il n’y avait plus de commerce, plus de coopération ni de dialogue intercoréen. Or, cette absence d’échange fait courir le risque qu’un incident ou accident ne se transforme en conflit militaire.

- Pourtant, la Corée du Nord n’a pas répondu tout de suite à cette main tendue. Kim Jong-un a attendu le discours du premier janvier 2018 pour amorcer un rapprochement. Pourquoi?

Pyongyang est entré dans une nouvelle séquence à partir de fin novembre, après l’essai d’un missile balistique à portée intercontinentale. Ils ont notamment déclaré que grâce à celui-ci, ils étaient à présent capables de frapper l’ensemble du territoire américain. Kim Jong-un a alors annoncé que la Corée du Nord avait «complété ses forces nucléaires», ce qu’il faut interpréter non pas sur le plan technique mais sur le plan politique.

Cela lui permet d’accroître sa légitimité interne mais aussi de suspendre les essais nucléaires et balistiques à court terme. L’objectif est d’apparaître en position de force, de ne pas donner l’impression de faire des concessions en cas de gel prolongé des essais, et surtout d’ouvrir la voie à une participation aux Jeux olympiques.

 

 - Pourquoi la Corée du Nord tenait-elle absolument à participer à ces Jeux Olympiques?

L’enjeu pour Pyongyang n’est pas vraiment sportif, peu d’athlètes sont qualifiés et le pays n’est historiquement pas performant aux Jeux d’hiver, à l’inverse des Jeux d’été (NDLR: au cours des cinq dernières olympiades d’hiver à laquelle elle a participé, la Corée du Nord n’a remporté qu’une seule médaille). L’enjeu est clairement politique, diplomatique et stratégique.

Politique car l’objectif est de donner l’impression à la population nord-coréenne qu’il s’agit de Jeux coréens et non sud-coréens, même si la Corée du Sud avait refusé pour 2018 comme pour 1988 une co-organisation. Diplomatique car envoyer des centaines d’artistes et de supporters permet de façonner les perceptions internationales du pays. Pendant quelques semaines la Corée du Nord est présentée comme un pays «normal». Stratégique enfin car cette participation permet au régime de gagner du temps. Ils peuvent continuer à développer leurs armes nucléaires et leurs missiles balistiques alors que les regards sont tournés sur les Jeux, tout en testant la cohésion de l’alliance entre Séoul et Washington.

 

- Comment l’opinion publique sud-coréenne réagit-elle à la participation du Nord?

Depuis les années 1960, la diplomatie du sport est utilisée à Séoul comme à Pyongyang comme un outil pour promouvoir le dialogue. La population sud-coréenne était majoritairement en faveur d’un changement de politique entre les deux pays et se réjouit de la participation de la Corée du Nord. Cependant, il y a un blocage évident sur la participation des joueuses de hockey nord-coréennes au détriment des joueuses sud-coréennes au sein de l’équipe commune. Cette décision a d’ailleurs coûté cher au président dans les sondages. Les Sud-Coréens ne sont pas contre la participation de la Corée du Nord, mais pas au détriment leurs athlètes. Finalement, tout dépendra des résultats de l’équipe. En 1991, l’équipe de football masculine commune dans le cadre de la Coupe du monde des moins de 20 ans avait battu l’équipe d’Argentine et fini deuxième de sa poule, suscitant la fierté dans le pays.

 

- Peut-on considérer comme Trump l’avait annoncé sur Twitter que ce rapprochement est le fruit de la politique américaine?

Dire que la stratégie du président Donald Trump est une réussite, c’est oublier que l’objectif de cette stratégie est une reprise des négociations. Or, on parle pour l’instant de dialogue intercoréen et en aucun cas de négociations nucléaires, bilatérales ou multilatérales. Si on ne peut pas présager de l’avenir, plusieurs déclarations du président américain en 2017 ont été contre-productives en servant d’éléments de langage à la propagande nord-coréenne. Certaines ont été utiles, mais de manière indirecte: elles ont poussé Séoul à craindre une intervention militaire et donc à tout faire pour relancer le dialogue avec Pyongyang.

 

- Cette détente entre les deux pays peut-elle durer au-delà des trois semaines de JO?

Il est trop tôt pour dire si cette reprise du dialogue va se transformer en détente et surtout s’inscrire dans la durée. Cette reprise du dialogue reste fragile et pourrait être interrompue par les exercices militaires américano-sud-coréens prévus pour fin mars. Pyongyang pourrait s’en servir comme prétexte pour conduire de nouveaux essais afin de ne pas apparaître en position de faiblesse. Dans tous les cas, une reprise du dialogue entre Pyongyang et Washington et l’ouverture de négociations doivent demeurer une priorité à très court terme.

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