Syrie: trois boucs émissaires mis en examen en France
Comme souvent dans les affaires politico-financières, il semble qu’on ait trouvé trois lampistes pour dédouaner le groupe Lafarge dans le financement du terrorisme en Syrie. Dès lampistes qui sans doute ont été concernés mais qui ne sauraient être les seuls responsables d’une affaire dépassant largement leurs compétences. Deux anciens cadres de Lafarge et un responsable de la sécurité du groupe ont en effet été mis en examen vendredi dans le cadre de l‘enquête sur les activités de la cimenterie de Jalabiya, en Syrie, a-t-on appris de source judiciaire. Ils avaient été placés en garde à vue mercredi pour interrogatoire par les enquêteurs de la douane judiciaire. Cette garde à vue a été levée vendredi matin et ils ont été déférés devant des juges d‘instruction chargés du dossier. L‘enquête porte sur les conditions dans lesquelles le groupe français – absorbé en 2015 par le Suisse Holcim pour former le géant du ciment LafargeHolcim – a maintenu en 2013-2014 ses activités en Syrie dans une zone de conflit, tenue notamment par l‘organisation de l‘Etat islamique (Daech). Une enquête interne a confirmé que de l‘argent avait été versé à des groupes armés. La filiale syrienne de Lafarge LCS est également soupçonnée d‘avoir utilisé du pétrole provenant de territoires contrôlés par Daech. Les anciens directeurs de LCS Bruno P. et Frédéric J. ont été mis en examen pour financement du terrorisme, mise en danger d‘autrui et violation de la réglementation relative aux relations financières avec l’étranger, précise-t-on de source judiciaire. Selon l‘avocat de Bruno P., Me Daniel Soulez Larivière, cette dernière incrimination vise des infractions présumées aux règlementations européennes sur les achats et ventes de matières premières en Syrie. Les deux anciens directeurs ont été placés sous contrôle judiciaire. Bruno P. “estime qu‘il est totalement innocent de ce dont on l‘accuse. Il a quitté la Syrie en 2014 alors qu‘il avait demandé à partir en 2013”, a déclaré à Reuters Me Daniel Soulez Larivière. Le troisième homme, Jean-Claude V., responsable de la sécurité du groupe et toujours salarié de LafargeHolcim, a été mis en examen pour financement du terrorisme et mise en danger d‘autrui et placé sous contrôle judiciaire. L‘avocat de cet ancien militaire des forces spéciales a déclaré à Reuters qu‘il entendait contester cette mise en examen selon lui “sans aucun fondement factuel et juridique” devant la Cour d‘appel de Paris, dans les prochaines semaines. Jean-Claude V., “qui n‘a jamais eu de pouvoir de décision au sein de la société Lafarge et n‘a cessé d‘alerter ses interlocuteurs opérationnels, n‘a commis aucune infraction pénale”, a expliqué Me Sébastien Schapira, qui fait valoir que son client “était contre tout accord avec des groupes armés”. Selon des sources familières du dossier, une nouvelle vague d‘interrogatoires de dirigeants ou anciens dirigeants du groupe, dont l‘ex-PDG Bruno Lafont, est attendue la semaine prochaine. Selon Le Parisien, ce dernier est convoqué mercredi. LafargeHolcim a déclaré en septembre condamner “avec la plus grande fermeté les erreurs inacceptables commises en Syrie”. Des organisations non gouvernementales, parties civiles dans ce dossier, souhaitent également faire la lumière sur ce que savait le gouvernement français de l’époque sur les activités de Lafarge en Syrie. La cimenterie de Jalabiya a été mise en service en mai 2010, juste avant que la situation en Syrie ne se détériore et place l’usine et son personnel dans une situation difficile en matière de sécurité.
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