Armée : trop de gabegie (Yvan Stefanovitch)

Armée : trop de gabegie (Yvan Stefanovitch)

Dans un livre enquête « Défense française, le devoir d’inventaire »  le journaliste Yvan Stefanovitch pointe  les faiblesses de l’équipement de l’armée mais aussi les gaspillages de l’État. Il réitère se critiques dans une interview à BFM.

BFM Business: L’armée française est-elle sous-équipée comme le disent tous les experts du secteur?

 

Yvan Stefanovitch: C’est plus compliqué que ça. Elle dispose de matériels très sophistiqués et coûteux. Les missiles qu’on lance depuis nos avions et nos hélicoptères valent par exemple entre 250.000 et un million d’euros l’unité. L’armée française dispose de sommes astronomiques pour faire la guerre à des gens en sandales. Ces équipements coûtent cher mais du coup on n’a pas l’argent pour les maintenir en l’état: faire voler tous nos hélicoptères Tigre, par exemple, n’est tout bonnement pas possible. Ils ont un système électronique complexe et surtout coûteux à réparer quand il tombe en panne. Idem pour les vieux blindés qui ne sont pas à jour. Or les frais d’entretien représentent un coût phénoménal. Nous avons 200 chars Leclerc mais seulement une trentaine en état de marche.

BFM Business: Donc vous comprenez la crainte des militaires?

Y.S.: Oui bien sûr, il faut les comprendre, ils veulent le meilleur matériel. Et une fois qu’ils l’ont, il faut bien l’entretenir sinon il finit par être inutilisable. En ce sens on peut dire que 2% du PIB c’est un minimum pour l’armée. Mais le problème tient à la philosophie de notre défense: a-t-on besoin de tout cela? La force nucléaire aéroportée, par exemple, coûte extrêmement cher car il faut sans cesse perfectionner les missiles. Nous avons une grande quantité de chasseurs coûteux, comme le Rafale, ou une flotte de sous-marins parmi les meilleurs du monde… Bref, nous avons un système d’arme hyper-performant pour écraser une mouche. Et dans le même temps nous n’avons pas d’avions à hélices et pas assez de drones pourtant très utiles pour les opérations menées par l’armée française. Il y a clairement des crédits qu’on peut réadapter mais pour cela il faut changer notre philosophie héritée de l’époque du Pacte de Varsovie où l’on se préparait à l’arrivée des chars soviétiques.

BFM Business: Et quid des effectifs, sont-ils trop nombreux?

Y.S.: Là encore c’est une question de philosophie. Nous avons par exemple 10.000 soldats en permanence dehors pour faire de la garde statique ou rassurer la population dans les gares et les aéroports. Or cette fonction ne relève pas des compétences de l’armée mais de la police. Mais comme la police est en sous-effectif, on fait appel aux militaires qui avec 70.000 soldats dans la seule armée de terre serait, normalement, en sureffectif.

BFM Business: Le lobby industriel joue-t-il un rôle dans cette philosophie du « suréquipement »?

Y.S.: Oui, évidemment on peut penser que les militaires sont esclaves de l’industrie militaire mais mais c’est un secteur important aussi pour la France puisqu’elle emploie 170.000 personnes. Les choses sont bel et bien complexes. On commence certes à exporter des armes comme le Rafale, des sous-marins et des hélicoptères, ce qui est une bonne chose pour cette industrie. Mais ça reste encore trop peu.

 

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