Philippe Martinez (CGT) : « non aux ordonnances de Macron « 

Philippe Martinez (CGT) : « non aux  ordonnances de Macron « 

La CGT par la voix de son secrétaire général s’oppose totalement aux ordonnances de Macron sur le code du travail et condamne par avance le nouveau gouvernement

Que vous inspire ce nouveau gouvernement?
Je n’ai pas pour habitude de porter de jugement sur les ministres et sur ce qu’ils ont fait, mais c’est d’abord un gouvernement de communication. L’arrivée de Nicolas Hulot en est un exemple. On nous avait parlé de renouvellement… Certes, il y a des inconnus, mais d’autres ne sont pas des nouveau-nés comme Gérard Collomb, François Bayrou, Bruno Le Maire… Gérald Darmanin est peut-être jeune, mais pas en politique. Il s’est prononcé contre le mariage pour tous, ça n’est pas un signe de grande ouverture. On a un patchwork de gens de droite qui ont soutenu Juppé, Fillon ou Sarkozy. Cela dit, le Premier ministre a été honnête en disant qu’il était de droite.

 

Et la nomination de Muriel Pénicaud, ancienne directrice générale de Business France, vous la saluez comme le font FO, le Medef et la CFDT?
Certes, elle a démarré au cabinet de Martine Aubry dans le gouvernement Jospin. Mais j’en ai connu d’autres qui une fois devenus DRH dans une grande entreprise n’ont pas appliqué les 35 heures! Chez Danone, elle a mis en œuvre un plan de 900 suppressions d’emploi dont 200 en France et remis en question de nombreux droits pour les salariés de ce groupe. Ce qui a satisfait les actionnaires et Franck Riboud aussi. Depuis plusieurs années, elle fréquente plus les conseils d’administration que les ateliers ou les bureaux! Elle a un parcours de dirigeante d’entreprise, et le programme de Macron est clair. Elle est là pour l’appliquer.

 

L’appel téléphonique du Premier ministre, jeudi, est-il de nature à vous rassurer sur ses intentions?
Nous avons discuté quatre minutes trente et il nous a confirmé qu’il souhaitait nous rencontrer. Qu’un Premier ministre contacte les organisations syndicales la première semaine de sa prise de fonction est plutôt une bonne chose. C’est une attitude correcte.

 

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Sur la réforme du Code du travail, le gouvernement évoque plus une consultation…
Ça ne veut rien dire une consultation! La loi Larcher prévoit une concertation sur les projets de loi en matière sociale. Il faut donc prendre le temps de discuter. À moins que la loi ne soit déjà écrite… Avec le gouvernement Valls, on a découvert le projet de loi travail dans un quotidien! Si Édouard Philippe et Emmanuel Macron ont cette conception de la concertation, il s’agit alors plus d’un affichage que d’un dialogue réel et sincère. Nous, on est prêts, on soumettra au Premier ministre une dizaine de mesures urgentes à prendre pour le pays. Si on écoute nos propositions, nous voulons bien parler du Code du travail. Mais notre objectif est de renforcer les droits des salariés. Pourquoi le gouvernement se comporterait-il comme le Medef, qui arrive en négociation avec un texte sur lequel on n’a ni marge de manœuvre ni possibilité d’amendement

 

Que pensez-vous de son projet de légiférer à partir de trois ordonnances?
Ces ordonnances sont complètement irrecevables! L’homme neuf a de vieilles recettes. Considérer que le travail à un coût, faciliter le licenciement pour créer de l’emploi, c’est vieux comme Juppé! Dire que les licenciements d’aujourd’hui sont les emplois de demain, on voit où ça mène. À la précarité ! Le Président souhaite aller plus loin que la loi travail rejetée à 70 % par les Français. Sur les classifications, par exemple. Le principe des conventions collectives est de poser un barème de salaire minimum pour un niveau de diplôme. Permettre aux entreprises d’y déroger signifie donc que demain un jeune sera payé en fonction de ce qu’aura négocié l’employeur et non plus en fonction du nombre d’années d’études qu’il aura faites. C’est ça la loi travail XXL! Depuis que les entreprises dérogent au code du travail, il a triplé de volume!

Et concernant la fusion des instances représentatives du personnel?
Le Président se prononce pour plus de dialogue social et en même temps il veut réduire les lieux et moyens qui lui sont dédiés! Par exemple, mélanger les prérogatives des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail [CHSCT] avec celles des comités d’entreprise alors que le coût du mal-être au travail en France atteint 13.000 euros par an et par salarié, c’est une très mauvaise idée !

Une unité syndicale se dessine pour refuser la limitation des indemnités versées par les prud’hommes en cas de licenciement injustifié…
On veut traiter les salariés comme des yaourts. Quel que soit le type de licenciement, le prix d’une vie au travail est barémisé. Sans tenir compte de la situation familiale, de l’état de santé, de l’ancienneté. C’est proprement scandaleux. Réformer le code du travail n’est pas une priorité. L’assouplir ne permet pas de lutter contre le chômage. Nous ne nous bornerons pas à commenter les décisions du gouvernement. Je n’ai pas une tête d’alibi ! Nous avons des efforts à faire pour mettre en avant nos propositions. Nos idées détonnent dans le milieu ambiant, elles n’inspirent ni le Medef, ni les financiers, mais l’opinion publique y est réceptive. Notre priorité n’est pas de convaincre le gouvernement mais les salariés !

Le gouvernement compte travailler sur ces ordonnances cet été. Cela s’annonce compliqué pour mobiliser?
Nous voulons être écoutés et qu’on prenne le temps de la discussion en tirant les enseignements du passé. Quand on veut dialoguer et qu’on est attaché au bien-être des salariés, on ne discute pas pendant les vacances. L’expérience de la loi travail devrait attirer l’attention de ceux qui nous gouvernent aujourd’hui.

Jean-Luc Mélenchon promet de mobiliser la rue. Ça fait un concurrent de plus?
Que des hommes et des femmes politiques viennent soutenir des luttes sociales, c’est une bonne chose. Mais nous avons la prétention de croire que nous sommes les mieux placés pour le faire. Jamais le FN ne serait venu chez Whirlpool sans les caméras et Emmanuel Macron. C’est de la communication, pas de l’action. Pourtant, le pouvoir politique sert à quelque chose : à légiférer, à peser, à relayer et à veiller à l’égalité entre les citoyens. Mais face aux intérêts des marchés financiers et des grands groupes internationaux, il démissionne trop souvent. Quand des salariés, comme ceux de GM&S, en sont réduits à casser leur outil de travail, on devrait pousser un cri d’alerte généralisé et ne pas se contenter de dire que l’État ne peut pas tout.

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