« Clause Molière » : une tartuferie
S’il est clair qu’on peut rediscuter de la directive concernant les travailleurs détachés en Europe afin d’imposer les conditions sociales du pays d’accueil et non du pays d’origine par contre imposer une bonne connaissance du français revient à réserver les emplois au nationaux. En fait, une orientation du Front National reprise par certains élus des Républicains qui conduit inévitablement ensuite à la fermeture des frontières et au retrait de l’Europe. Ce que souhaite sans le dire l’aile la plus droitière des Républicains qui oublie au passage que nombre de Français employés dans les grandes sociétés ne connaissent pas nécessairement la langue des pays où ils sont détachés (1.8 millions de Français sont détachés à l’étranger). Il s’agit bien entendu d’une tartuferie électorale qui ne peut tenir juridiquement sauf à abandonner tout concept d’échanges internationaux. Même les syndicats pourtant attachés à la défense des nationaux dénoncent avec force cette proposition de nature xénophobe ; une proposition soutenue par des élus de droite du sud de la France et par Laurent Wauquiez président de la région Auvergne Rhône-Alpes qui veut droitiser encore plus la campagne de Fillon pour avoir été écarté de la direction des Républicains. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a joint jeudi sa voix à la dénonciation par la gauche de la clause dite « Molière » qui impose l’usage du Français sur les chantiers dans certaines régions de France dirigées par la droite. »C’est insupportable, ça me met hors de moi, c’est des relents de préférence nationale », a déclaré le dirigeant syndical à Europe 1. « On veut faire croire qu’on veut lutter contre le dumping social et on tape sur les salariés avec des fondements dont on voit bien qu’ils sont xénophobes. » « Donc il faut attaquer cela. Il y a d’autres moyens de lutte contre le dumping social », a-t-il ajouté. « Il faut donner des moyens renforcés à l’inspection du travail par exemple. On peut rediscuter de la directive travailleurs détachés en Europe. Mais surtout pas ce type de mesure. C’est franchement à vomir. » Son homologue de la CGT, Philippe Martinez, avait dénoncé mardi sur France Inter une « marche vers la préférence nationale » dans les pas du Front national. « C’est absolument scandaleux. C’est une clause purement électoraliste dans le cadre d’une campagne présidentielle », a-t-il dit. « On stigmatise les étrangers parce qu’ils ne parleraient pas assez bien français. » Lui aussi a appelé à bâtir des règles communes en matière de protection sociale et de sécurité. Le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Sapin, a saisi sa direction des affaires juridiques, pour examiner la légalité de cette clause, jugée « raciste, discriminatoire et inapplicable » dans son entourage. Le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, a pour sa part dénoncé « une clause Tartuffe » et accusé ses promoteurs du parti Les Républicains, dont le candidat à l’élection présidentielle est en difficulté, d’essayer d’en « tirer profit électoral ». Dans un discours au Conseil économique, social et environnemental (Cese), le chef du gouvernement a estimé mercredi que cette mesure serait condamnée par « n’importe quel tribunal » car elle fait « obstacle à la concurrence d’entreprises étrangères faisant appel à des travailleurs détachés ». Du côté patronal, le président du Medef, Pierre Gattaz, a mis en garde mardi, lors de sa conférence de presse mensuelle, contre des dérives « nationalistes ». « Vous commencez comme ça, et puis après vous commencez à faire du favoritisme, et puis ensuite vous fermez les frontières françaises, et puis vous finissez par sortir de l’euro ». La polémique a même touché le parti du candidat de la droite à l’élection présidentielle, François Fillon. Elisabeth Morin-Chartier, députée européenne Les Républicains spécialiste du dossier, lui a écrit pour l’alerter. « Le repli sur soi est le chemin de l’abdication », a-t-elle dit dans ce courrier en l’exhortant à résister. « Cette clause contrevient aux fondements même des droits et libertés qui fondent l’Europe », a-t-elle dit mercredi à des journalistes, précisant que François Fillon n’avait pas répondu.
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