On peut ne pas être d’accord avec Piketty, l’économiste de gauche, sur certaines de ses analyses et propositions. Toutefois son analyse sur le développement des inégalités « le capital au XXIe siècle » ne manque pas de pertinence. Jamais en effet les inégalités n’ont été aussi fortes dans la plupart des pays. En outre les écarts entre les revenus du capital et les revenus du travail ne cessent de grandir. Pour parler plus clairement il y a de plus en plus de différence entre les plus riches et les plus pauvres. Cela vaut pour les pays développés mais aussi des pays comme la Russie, la Chine, l’Amérique du Sud ou l’Afrique. D’après le FMI, Piketty se serait trompé sur sa théorie de la croissance des inégalités. Pas étonnant, les économistes sont souvent comme les médecins de Molière préconisant des remèdes qui ne font qu’amplifier la gravité des pathologies du malade. Très marqué à gauche Piketty a un peu trop sollicité les corrélations, ce que font aussi les économistes marqués à droite. Une déviance politique facilitée par le fait que l’économie n’est pas une science exacte. La complexité des interactions systémiques rend difficile les approches pertinentes. Du coup beaucoup d’économistes procèdent par des raccourcis un peu simplificateurs pour conforter leurs thèses. L’objet de la critique du FMI, pilotée par l’économiste Carlos Goes: tester la thèse de Thomas Piketty sur « les moteurs des inégalités de revenus » en l’appliquant à 19 pays développés durant ces trente dernières années. Avec un objectif affiché: vérifier l’exactitude des hypothèses de Piketty afin de mieux cerner les causes profondes des inégalités. Sa conclusion est sans appel: « Je n’ai trouvé aucune preuve empirique démontrant que la dynamique va dans le sens suggéré par Thomas Piketty », tranche Carlos Goes. Ainsi, « même si son ouvrage est très riche en données, il n’offre aucune formule empirique permettant de vérifier la chaîne de causalité de sa théorie », assène l’économiste. Pour rappel, la thèse de Piketty repose sur le postulat selon lequel les inégalités de revenus ont tendance à augmenter dès lors que les revenus du capital augmentent plus vite que la croissance. Une théorie qui ne se vérifierait pas dans les faits selon l’équipe du FMI ayant planché sur le sujet. En effet, selon les conclusions Carlos Goes, dans 75% des pays étudiés, une croissance des revenus du capital supérieure de 1 point à la croissance économique s’accompagne d’une baisse… de la part des richesses détenue par les 1% des plus riches. Soit l’exact opposé de ce qu’avance l’économiste français. L’auteur du rapport admet tout de même qu’ »il est possible » que la thèse de Thomas Piketty se vérifie « sur le long terme ». Piketty contre-attaque et reprend ses arguments. Pour rappel, la principale conclusion du livre de Thomas Piketty est que l’accroissement des inégalités est due au fait que la rémunération du capital (les dividendes, par exemple) augmente plus vite que la croissance. En conséquence, plus la différence entre la rémunération du capital et le taux de croissance augmente, plus la part du capital dans le revenu national s’accroît. Ce qui, in fine, aboutit à renforcer les inégalités, car le capital est bien plus inégalement réparti que les salaires. Carlos Goes avait alors voulu vérifier ce postulat via une base de données englobant 19 pays sur la période 1980-2012. Il avait alors trouvé que dans 75% des cas, la théorie de Piketty ne se vérifiait pas. Plus d’un mois après la publication, l’économiste français réagit. Dans un post de son blog sur lemonde.fr, il explique pourquoi l’étude du FMI lui semble « relativement faible et peu convaincante ». S’il se dit « heureux que [son] livre ait pu contribuer à stimuler le débat public sur les inégalités » et considère qu’il est « normal que le débat se poursuive », il juge « qu’il est à peu près impossible d’apprendre quoi que ce soit d’utile de cet exercice (du FMI, ndlr). En cause la méthodologie de l’étude et la nature de la base de données « totalement inadaptée ». Thomas Piketty reproche d’abord au FMI d’avoir utilisé, pour mesurer les inégalités, le revenu et non le patrimoine. « Cela pose une difficulté majeure, dans la mesure où l’inégalité des revenus est déterminée à titre principal par les revenus du travail », juge-t-il. Or les revenus du travail sont liés à des mécanismes propres au marché du travail, fait-il valoir, et en aucun cas à la différence entre la rémunération du capital et le taux de croissance, son principe de base. Au final, Thomas Piketty considère que le choix de Carlos Goes « n’a guère de sens » et qu’il aurait été plus judicieux de prendre le patrimoine plutôt que les revenus.
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