Financiarisation des terres agricoles ?
La France n’est pas encore l’Afrique mais l’achat de 1700 ha dans l’Indre par un fonds chinois ne manque pas d’interroger sur les perspectives de propriété foncière dans l’agriculture. La menace pourrait être sérieuse à terme en France où 20 à 30 % des exploitations pourraient disparaître en quelques années. En cause évidemment la crise de rentabilité des productions et l’endettement de nombre d’exploitants ; à plus long terme, on pourrait voir passer la surface moyenne des exportations d’environ 80 ha actuellement à 500 ha voire davantage. Des surfaces qui ne pourront être accessibles financièrement qu’à des groupes financiers français mais aussi étrangers Selon le Land Matrix Project, un groupe international de surveillance des acquisitions importantes de terres étrangères, 203 millions d’hectares (huit fois la taille de la Grande-Bretagne) sont passés sous contrôle étranger entre 2000 et 2010, via des ventes ou locations de longue durée. 66% des transferts concernaient l’Afrique, 14% l’Asie. Mais les experts soulignent l’opacité de ce marché. Depuis l’an 2000, 5% de l’espace africain cultivable a été concédé à des investisseurs étrangers, notamment en Afrique de l’Est (Tanzanie, Soudan, Mozambique) et centrale (RDC, Cameroun), mais aussi à l’Ouest (Sierra Leone, Nigeria, Mali, Sénégal). Elle représente la principale zone recherchée, avec une accélération en 2009-2010, pour un total de 56 millions d’hectares vendus, soit l’équivalent de la superficie du Kenya. La plupart des projets concernent des cultures alimentaires, mais pour des productions destinées à l’exportation. Les principaux investisseurs sont l’Inde en Ethiopie, la compagnie chinoise ZIE International en République démocratique du Congo et le coréen Daewoo à Madagascar. Les pays les plus courtisés sont la RDC (2e au niveau mondial, avec 8 millions d’hectares), l’Ethiopie (3e avec 5,3 millions d’hectares), le Soudan (7e) et Madagascar (9e). En France, l’acquisition par une société chinoise de 1.700 hectares de terres agricoles dans l’Indre, au cœur du bassin céréalier français, inquiète des agriculteurs du Berry et les autorités chargées de l’aménagement rural. «Un fonds de gestion chinois basé à Hong-Kong a acheté depuis un an trois exploitations céréalières», soit 1.700 hectares dans le département, a indiqué mercredi à l’AFP le président de la FDSEA de l’Indre, Hervé Coupeau, confirmant une information révélée par le Journal de l’environnement. M. Coupeau, qui souligne que le fonds en question est représenté par un gérant français, dénonce la méthode employée. «Ils vont voir l’exploitant au bord de la faillite et lui demandent combien il a de dettes. Puis ils demandent que l’exploitation passe en Société agricole (SA) et rachètent 98% des parts», explique-t-il. Le but de cette entreprise aujourd’hui «est d’acquérir des terres pour les exploiter» et non pour les mettre en fermage, assure à l’AFP Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, FNSafer), organisme rattaché au ministère de l’Agriculture.
Selon le Figaro, le Fonds chinois, dénommé Hongyang, est spécialisé dans les équipements pour station-service d’après son site internet. Pour Emmanuel Hyest, c’est le signe d’une «financiarisation de l’agriculture», avec «un fonds qui investit là où il pense que ça va être le plus rentable», un «phénomène important et nouveau» en France, mais qui fait l’objet de «grandes manoeuvres au niveau mondial», notamment en Afrique et en Asie du Sud-est. Ces acquisitions présentent plusieurs inconvénients du point de vue de la profession.
D’une part, l’entreprise a payé l’hectare, estimé à 4.000 euros dans le département, «beaucoup plus cher que le prix du marché», ce qui implique un «vrai risque de déstabilisation», explique le président de la FNSafer, qui évoque un doublement par rapport à la valeur réelle.
(Avec France TV info et 20 minutes) )
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