Echec Bouygues-Orange : » c’est Bouygues qui a la plus à perdre » (PDG orange)
(NTERVIEW Stéphane Richard dans Challenges)
Comment expliquez-vous l’échec des négociations en vue du rachat de Bouygues Telecom par Orange?
C’est un rendez-vous manqué pour le pays, c’était une véritable opportunité pour les entreprises concernées, l’investissement et l’emploi du secteur. Nous étions très près de réussir, même si nous savions que c’était une opération compliquée, faisant intervenir quatre acteurs plus l’Etat, avec un risque d’exécution élevé. De plus, la longueur des procédures d’instruction ouvrait une période d’incertitudes et faisait peser des contraintes et des risques complexes à gérer : nous avons passé autant de temps à essayer d’anticiper les réactions de l’Autorité de la concurrence qu’à nous mettre d’accord entre nous.
Quel en est le premier responsable?
Il y a sans doute plutôt une pluralité de causes. Certains ont sous-estimé leurs difficultés de transformation, chacun a tiré un peu trop la corde. L’Etat a peut-être pensé que Bouygues négociait dos au mur. Chacun a sa part de responsabilité. Pour notre part nous avons mené ces négociations avec professionnalisme, engagement et éthique, je crois que tout le monde le reconnaît aujourd’hui.
Vous préparez vous à une nouvelle guerre des prix dans le secteur?
Je vous fais le pari, au contraire, que les prix vont remonter. Il y aura de l’agitation, mais pas de guerre des prix. Les promotions vont s’arrêter, c’est beaucoup d’argent gaspillé pour quelque millions de consommateurs sur un total de 60 millions. Les clients que vous gagnez en mars sont perdus en avril. Les différents acteurs n’auront simplement plus les moyens de bruler du fuel dans l’incinérateur de la guerre des prix. Regardez au Danemark, où le projet de passer de quatre à trois opérateurs a été rendu impossible par Bruxelles: les prix ont remonté.
La consolidation en France aurait-elle été une bonne nouvelle pour le consommateur?
Je le crois sincèrement. Certains commentateurs passent leur temps à expliquer que la seule chose importante est que les prix dans les télécoms restent le plus bas possible. Je leur demande de s’interroger. Le consumérisme qui constitue le socle idéologique des sociétés européennes fait des ravages. Regardez ce qui s’est passé dans l’agriculture et ce qui se passe aujourd’hui dans les télécoms. Je suis frappé de voir qu’aux Etats-Unis, au Japon, en Corée du Sud, on a su faire un meilleur compromis entre consommateur et producteur.
Votre discours est-il entendu dans les sphères politiques?
C’est un sujet éminemment politique. Ces dernières années, il faut reconnaître que seul Arnaud Montebourg a eu le courage d’affronter l’idéologie dévastatrice du consumérisme et il l’avait dit lorsqu’il était ministre, en 2013, devant la Fédération française des télécoms. Et en 2014, il avait soutenu la première tentative de rapprochement entre Orange et Bouygues Telecom.
Les représentants de l’Etat étaient-ils favorables à cette fusion?
Du côté de l’Etat, tout le monde a exprimé son soutien à la vision industrielle de l’opération, que ce soit à l’Elysée, à Matignon, à Bercy ou à l’Agence des participations de l’Etat. La discussion s’est plutôt focalisée sur les conditions de l’opération, car la principale difficulté tenait au prérequis posé par Martin Bouygues de devenir actionnaire d’Orange. L’Etat estime avoir défendu son intérêt patrimonial. Je n’ai pas à en juger.
N’est-ce pas son rôle en tant qu’actionnaire?
Chez Orange, nous sommes parfaitement alignés avec l’Etat sur le fait que nous devons défendre nos actionnaires existants: l’opération devait être créatrice de valeur pour eux. Je n’ai jamais voulu brader l’accès d’Orange à Bouygues. Je ne me lève pas tous les matins en me demandant comment je pourrais enrichir messieurs Bouygues, Drahi et Niel.
L’Etat est-il un bon actionnaire?
La seule question à se poser est pourquoi l’Etat veut-il rester actionnaire d’Orange? Est-ce pour toucher un dividende, pour l’accompagner dans son développement en Afrique, pour maintenir les prix les plus bas possibles? On a parfois l’impression d’être au coeur d’injonctions contradictoires: il faut créer de la valeur, protéger le consommateur, l’emploi, tout en accélérant les investissements, sans toujours chercher leur rentabilité! Plus que tout, je veux croire que ce qui s’est passé ne sonne pas le retour du ni-ni de l’époque Jospin, qui me paraît inadapté au monde d’aujourd’hui qui change si vite.
Que va-t-il se passer pour Orange à présent?
Orange est en forme et nous sommes un groupe mondial. Ce ne sont pas les projets qui manquent, en Afrique comme en Europe. Nous investissons 75 millions d’euros dans AIG, la plateforme africaine de e-commerce, dans laquelle sont notamment présents l’Allemand Rocket Internet et l’opérateur sud-africain MTN. Nous sommes très présents dans le paiement mobile en Afrique avec quelque 15 millions de clients que nous voulons progressivement faire basculer vers le mobile banking. En Europe nous déployons la fibre optique en Espagne, en Pologne, en Roumanie et nous nous lançons sur le fixe en Belgique.
Quelles sont vos ambitions dans le secteur de la banque?
Nous voulons frapper fort et ce sera massif, ce n’est pas juste pour amuser la galerie. Nous allons faire le pré-closing du rachat de Groupama Banque dans les prochains jours et nous recruterons le patron de l’activité dans le mois qui vient de façon à disposer d’une équipe parfaitement constituée à la mi-mai. Notre objectif est de recruter rapidement 2 millions de clients en France, le double de Boursorama.
Que va devenir Bouygues Telecom?
Bouygues Telecom est une entreprise solide avec des gens compétents et de beaux actifs. Ils n’en sont pas à se demander où ils seront dans six mois. Ils ont 500 boutiques, leur offre sur le fixe est compétitive. Et ils feront certainement de bons résultats en 2016. Bien-sûr, ils n’ont pas de marge financière et ils ne vont pas doubler leurs bénéfices, mais leur situation n’est pas du tout désespérée.
Comment comptez-vous participer à la consolidation du secteur en Europe?
Nous étudierons d’abord la possibilité de nous renforcer dans les pays où nous sommes présents, comme la Roumanie, la Pologne ou la Belgique. Concernant une possible expansion géographique, certains opérateurs peuvent être potentiellement sur le marché, en Europe du Nord ou au Benelux.
Et en Italie?
Sur le sujet Telecom Italia, il n’y a pour nous aucune actualité. Il faut être extrêmement prudent. J’observe que c’est un sujet épidermique en Italie. De l’autre côté des Alpes, les ambitions françaises agacent.
Comment envisagez-vous de financer cette expansion?
Nous allons tirer les leçons de l’épisode Bouygues. Toutes les opérations ne passent pas forcément par une émission d’actions. De tous les opérateurs en Europe, Orange est celui qui affiche le bilan le plus solide: nous avons la dette la moins élevée et la plus forte capacité à dégager de l’ebitda. Nous avons les moyens de certaines ambitions européennes, sans solliciter nos actionnaires pour peu qu’il y ait un beau projet stratégique et créateur de valeur.
Envisagez-vous l’arrivée de Vincent Bolloré au capital à la faveur d’un tel rapprochement?
Il y a une grande différence entre les deux hommes: Martin Bouygues affirme qu’il veut rester un acteur majeur des télécoms tandis que Vincent Bolloré positionne Vivendi comme un grand groupe de contenus sans ambition dans les télécoms.
Comment ressortez-vous personnellement de ces trois mois de tractation?
Je ne regrette pas de l’avoir fait. Orange aura démontré qu’elle est plus agile que d’autres, qu’elle est une entreprise en mouvement, capable de prendre des risques.
Votre regard sur les autres patrons des télécoms a-t-il changé?
Je les connaissais tous avant, mais c’est une intéressante galerie de portraits. On discute d’abord avec des hommes. Certains traits de caractère se sont révélés, d’autres se sont confirmés. Patrick Drahi est un vrai entrepreneur, c’est incontestable. Il n’a pas froid aux yeux. Il est plus concentré sur les paramètres économiques que sur les risques. C’est plutôt l’inverse chez Xavier Niel: il a une certaine aversion au risque. Mais je tiens à dire qu’il a été un partenaire loyal dans cette négociation.
Et Martin Bouygues?
C’est un homme éminemment respectable. Il est toujours très clair dans ce qu’il dit, il n’est pas tordu. Il est constant et fidèle et ce n’est pas négligeable de la part de quelqu’un qui pourrait devenir votre actionnaire. Mais il a peut-être sous-estimé la complexité du sujet. Il est sans doute celui qui avait le plus à perdre si le risque n’était pas maîtrisé.
Comment voyez-vous votre avenir personnel?
J’ai 54 ans et je suis à la tête d’Orange depuis six ans. Pour répondre à cette question, il faut se demander deux choses: Suis-je utile? En ai-je envie?
Suis-je utile? C’est à mes actionnaires, mes administrateurs et aux salariés d’Orange d’en juger. Je m’en remets tous les jours à eux et je n’ai pas de raison d’en douter pour l’instant.
En ai-je envie? Sans aucun doute oui. J’ai la chance de diriger une entreprise incroyablement attachante, plongée dans l’aventure humaine la plus passionnante de ce siècle, la révolution digitale. Je suis entouré d’une équipe exceptionnelle. Que demander de plus?
Travail au noir : en nette hausse
Le travail a u noir se développe. La preuve avec ce redressement de près de 500 millions de la part de la sécu mais sur une insuffisance de recettes qui se situent dans une très large fourchette de 6 à 25 milliards ! Autant dire qu’il n’y a pas lieu de se réjouir de l’augmentation des redressements de la sécu en bourse de 13 % en 2015 ; mais qu’il faudrait comparer avec la hausse du travail au noir qui se développe notamment dans le BTP, dans l’agriculture et aussi dans les services. Une manière aussi de contrebalancer une fiscalité qui plombe la compétitivité. Pas forcément une méthode honnête mais le moyen de rester présent dans le marché en s’affranchissant des règles de concurrence. Bref toute la contradiction de la politique économique française et son cercle vicieux. Les redressements opérés pour « travail dissimulé » ont augmenté de 13% en 2015 pour atteindre le chiffre record de 460 millions d’euros, selon le quotidien les Echos. »Le taux de redressement pour une action de contrôle pour travail dissimulé a atteint 87%. Ceci représente cinq points de plus que l’année précédente quand le taux avait augmenté de trois points », précise sur son site internet, le quotidien économique qui se réfère à une étude de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss). Avec un montant de 460 millions d’euros en 2015, les redressements pour travail dissimulé ont ainsi battu un nouveau record, dépassant nettement les 401 millions enregistrés en 2014, précise le quotidien. Des nouvelles méthodes de travail et notamment le « croisement de plus en plus systématique des données grâce à la déclaration sociale nominative » et la « coordination avec l’Inspection du travail, le fisc, l’office de lutte contre le travail illégal », ont permis d’obtenir ce résultat, estime le journal. D’autres part, selon Les Echos, « les montants de prélèvements sociaux qui auraient dû être payés mais ne l’ont pas été s’élèvent entre 6,1 et 7,4 milliards d’euros par an ». Une évaluation, souligne le journal, « trois à quatre fois inférieure à la fourchette de 20,1 à 24,9 milliards d’euros calculée par la Cour des comptes en octobre 2014 pour l’année 2012″.
(Avec AFP)
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