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Migrants -Sommet turco-européen : l’UE doit s’imposer et non s’incliner (Hadrien Desuin, expert en relations internationales)

Migrants -Sommet turco-européen : l’UE doit s’imposer et non s’incliner (Hadrien Desuin, expert en relations internationales)

Hadrien Desuin dénonce à juste titre la soumission de l’UE vis-à-vis de la Turquie à propos de la négociation sur les migrants. (Interview Le Figaro). 

 

Angela Merkel, Donald Tusk et Ahmet Davutoglü forment le nouveau trio de tête de l’Union européenne. Chancelière allemande, président du conseil européen et premier ministre turc multiplient les rencontres et souhaitent imposer leur feuille de route aux 27 partenaires européens de nouveau réunis en sommet.

La situation migratoire est grave, l’hiver n’a pas ralenti le flux continu des migrants. Lesquels sont chaleureusement accueillis par une myriade d’associations d’extrême gauche qui ne veulent plus de frontières. Et le printemps est déjà là.

La culture consensuelle de négociation à l’allemande croit pouvoir trouver un compromis avec la Turquie malgré les nombreux faux bonds qu’elle a eu à subir par le passé. Désavouée par les élections régionales, menacée dans son propre parti, Angela Merkel a déjà annoncé qu’elle ne changera pas sa politique de «bord du gouffre». La grand-mère de l’Europe entend assumer ses erreurs passées jusqu’au bout, quitte à s’entêter. Elle compte bien poursuivre sa politique irresponsable de portes ouvertes aux réfugiés qui font une demande régulière. C’est méconnaître les effets pervers du système très généreux du «droit d’asile».

On ne peut pas négocier avec la Turquie comme on négocie avec la Suisse et le Canada. Comment peut-on faire confiance à un pays qui bafoue les droits de sa propre population et qui n’a aucun intérêt à garder sur son sol une population étrangère ?

Or, on ne peut pas négocier avec la Turquie comme on négocie avec la Suisse et le Canada. Comment peut-on faire confiance à un pays qui bafoue les droits de sa propre population et qui n’a aucun intérêt à garder sur son sol une population étrangère? La Turquie, faut-il le rappeler, est dirigée par une oligarchie autoritaire qui a verrouillé la presse et l’ensemble des corps intermédiaires. Et on voudrait en faire la gardienne humanitaire de l’Europe? Il y a quelques jours encore, le journal Zaman a été placé sous contrôle par une autorité judiciaire aux ordres. Ce n’est pas avec un nouveau chèque de 3 milliards d’euros qu’on rassasie une police aux frontières corrompues. Plus l’Allemagne donne et plus la Turquie réclame. En échangeant une demande d’asile légale contre un migrant illégal, l’Europe se lie les mains d’avance.

La Turquie est une des premières responsable du drame syrien. A ce titre, l’Europe doit sanctionner et non pas plier.

La Turquie ne se contente pas d’une aumône même chiffrée en milliards. L’Europe s’apprête à lui donner des visas. Dans un pays en guerre civile dans le quart sud-est de son territoire (le Kurdistan turc) et tout à fait «daechisé» à sa frontière avec le territoire de l’État islamique, donner des visas est parfaitement ahurissant. Ce serait doubler l’immigration illégale d’entrées légales massives. L’espace Schengen est déjà ingérable et on envisage de l’ouvrir à la Turquie? C’est folie. La Turquie est une des premières responsable du drame syrien. A ce titre, l’Europe doit sanctionner et non pas plier. Il n’y a plus d’accommodements possibles avec Ankara. Ce n’est pas avec l’appât de l’ouverture de chapitres d’adhésion à l’UE qu’on fera changer le pompier pyromane turc. On ne fait que surenchérir ses gains. Désormais il faut sanctionner la Turquie et cesser de biaiser et reculer. Sanctions économiques d’abord puisque rien n’est fait depuis un an. Sanctions politiques ensuite avec une clôture définitive des négociations d’entrée à l’UE ou un boycott du G20. Bref, il ne faut pas ouvrir les chapitres d’adhésion, il faut les fermer jusqu’à nouvel ordre. Ceci passe par un discours nettement plus ferme sur la répression anti-kurde en cours, largement responsable de la vague de réfugiés. Quant à la fédéralisation syrienne vivement combattue par Ankara mais soutenue par la Russie, il serait de bon ton également de brandir la menace d’une reconnaissance de l’autonomie kurde en Syrie. L’Europe a de multiples cartes dans son jeu pour faire évoluer la Turquie. Armement des milices kurdes syriennes, introduction des kurdes syriens au sein des négociations de Genève, sanctions économiques, gel des négociations d’adhésion… Dans le bras de fer avec la Turquie, il faut montrer ses muscles ou c’est la gifle assurée sur les deux joues.

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