Euro: la guerre est déclarée entre la BCE et l’Allemagne
D’une manière presque unanime la presse allemande a condamné avec vigueur les mesures de politique monétaire accommodante décidée par Mario Draghi. L’argument majeur développé par l’Allemagne c’est que cette politique porte atteinte aux épargnants et aux retraités, en outre cette politique contribue à l’affaiblissement de l’euro alors que l’Allemagne s’est toujours battue pour une monnaie forte. Par principe, l’Allemagne et donc contre toutes orientations visant une dévaluation compétitive. Après l’annonce par la BCE jeudi de nouvelles largesses, que beaucoup dans le plus grand pays d’Europe prennent comme une attaque contre leur économie, la guerre est ouvertement déclarée. Un montage-photo avec M. Draghi, président de l’institution monétaire, s’étale vendredi en Une du quotidien des affaires Handelsblatt, cigare aux lèvres allumé par un billet de 100 euros qui flambe. Le tabloïd Bild parle d’un «choc», le président de la fédération des exportateurs de décisions «catastrophiques» et de «dépossession des épargnants». Jeudi, la BCE a annoncé une nouvelle batterie de mesures de politique monétaire destinées à faire repartir les prix en zone euro. Au menu, encore plus de liquidités injectées dans l’économie, et une nouvelle baisse des taux d’intérêt. Le principal taux directeur passe à zéro, une première. Objectif: stimuler les crédits aux ménages et aux entreprises – pour lesquels les taux d’intérêt baissent -, pour les faire consommer et investir. Mais cela signifie aussi que placer son argent à la banque ne rapporte plus rien. Or en Allemagne, plus qu’ailleurs, thésauriser tient du sport national. «Pendant des années on a dit aux gens qu’il fallait mettre des sous de côté pour la retraite», rappelle pour l’AFP Carsten Klude, économiste de la banque M.M.Warburg. Dans un pays vieillissant, où le système public de retraite tiendra difficilement le choc, les pouvoirs publics ont mis en place de fortes incitations à investir dans des plans d’épargne-retraite. S’ajoute à cela le fait que les comptes bancaires allemands sont traditionnellement rémunérés. «Et maintenant les gens voient que cela ne rapporte plus rien, ils se sentent floués», poursuit M. Klude. «On peut comprendre la position des Allemands», qui ne date d’ailleurs pas d’hier, avance Sylvain Broyer, économiste de Natixis. Selon lui le pays, pour faire marcher à bon rythme son économie, «aurait besoin d’un taux (directeur de la BCE) à 2%» au lieu de zéro.
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