Michel Onfray : le nouveau calife du déclinisme

 

Michel Onfray : le nouveau calife du déclinisme

Michel Onfray avait pourtant promis de se mettre à la diète médiatique pour un long moment. Il n’aura pas résisté longtemps à sa cure de silence. Il revient et en quelque sorte s’autoproclame comme le calife du déclinisme   version ultra gauche ;  sans doute pour ne pas laisser la place à Houellebecq ou à Zemmour version ultra droite. Dans un quotidien italien le philosophe renouvelle sa lecture pessimiste d’une civilisation judéo-chrétienne « épuisée, morte », à force de se complaire « dans le nihilisme et la destruction, la pulsion de mort et la haine de soi ». Il dénonce également l’islam politique – « une bombe avec laquelle l’occident joue depuis toujours » et renouvelle son adhésion à la thèse d’une guerre de civilisations. L’islam manifeste ce que Nietzsche appelle ‘une grande santé’ : il dispose de jeunes soldats prêts à mourir pour lui. Quel occidental est prêt à mourir pour les valeurs de notre civilisation : le supermarché et la vente en ligne, le consumérisme trivial et le narcissisme égotiste, l’hédonisme trivial et la trottinette pour adultes ? Comme Houellebecq, comme Zemmour comme d’autres à l’ultra gauche comme à l’ultra droite, Michel Onfray se proclame nouveau calife ou pape du déclinisme ;  et de réitérer la fin de la civilisation occidentale au profit de l’islam l.  Première observation sur sa posture, il s’autoproclame philosophe. Comme beaucoup de ses collègues, il confond diplômé en philosophie et comportement philosophique. Seconde observation la tonalité de ses propos est assez éloignée d’une démarche philosophique. Quand Michel Onfray s’exprime c’est  sur un ton professoral, péremptoire voir suffisant. Il n’y a pas de place à l’interrogation chez lui ;  son discours est sentencieux, dogmatique et doctoral.  Bref, c’est le prof qui s’adresse à des élèves qu’ils considèrent comme incapable de réflexion. La maïeutique socratique lui est complètement étrangère, il ne proclame pas ses vérités, il les assène à la manière du gauchiste radical qu’  il est. Il est loin de la méthode socratique qui ouvre le champ des interrogations. Chez lui l’art d’accoucher la vérité se fait aux forceps. Par opportunisme autant que par conviction Michel Onfray surfe sur la vague du populisme décliniste   Une mouvance qui se caractérise par des positions le plus souvent  réactionnaires et qui propose  notamment comme solution d’avenir le repli national sectaire et/ou  l’indifférence   à l’égard de ce qui se passe à l’extérieur de frontières. Ce mouvement décliniste  traverse à  peu près toutes les formations politiques ;  le FN bien sûr mais aussi une partie de la droite classique, tout autant que la gauche du PS, extrême-gauche comprise. Pour schématiser cette mouvance refuse l’ouverture au monde et propose d’ériger des murs infranchissables aux frontières de la France pour protéger les Français de tous les dangers et ainsi maintenir tous les « avantages acquis ».  Une sorte de futur orienté vers le passé,  sorte d’archaïsme politique qui propose un souverainisme obsolète afin d’exclure tout corps ou influence étrangère bref l’aspiration au paradis perdu. Une nostalgie du passé qu’entretiennent savamment quelques  intellos douteux à droite  comme Zemmour bien sûr, Finkielkraut, Buisson, Houellebecq mais aussi certains à gauche, surtout à l’extrême gauche comme Todd voire récemment Onfray. À gauche,  c’est surtout la condamnation du capitalisme et de l’impérialisme occidental qui conduit ces intellos à refuser  l’ouverture sur les autres, en tout cas qui les conduit à adopter une neutralité notamment vis à vis des conflits inter nationaux. À droite, c’est le racisme et la peur du progrès  qui justifient  surtout le repli nationaliste. Et pour justifier l’injustifiable ces intellos sollicitent les grands penseurs : Leibnitz, Hegel, Spinoza, Hume, Nietzsche, Schopenhauer, Heidegger d’autres encore. Nos sophistes contemporains  se réfèrent de manière frauduleuse à la pensée des vrais philosophes ; une sorte de détournement intellectuel pour essayer de donner une légitimité à leurs propos frelatés. Malheureusement face à cette mouvance décliniste,  le mouvement progressiste peine à résister. La crise est en effet passée par là  et compte tenu des déficiences chroniques des Français en matière d’économie beaucoup tombent  dans le piège de l’isolationnisme. Il faut bien reconnaître que le mouvement progressiste tarde à faire émerger des leaders politiques crédibles et aussi   des intellos susceptibles d’éclairer les problématiques économiques, sociales, technologiques, environnementales et culturelles. Des dimensions aux interactions incontournables qui exigeraient un minimum de connaissances dans les différents domaines. Onfray par exemple qui parle de tout, sur tout et tout le temps déclare sans complexe qu’il  ne connaît rien à l’économie,  ce qui ne l’empêche pas de pérorer sur la nature de la crise globale  et sur les moyens d’en sortir. Bref une sorte  de cocktails de discours philosophique mélangé à des convictions gauchistes et à des propos de bistrot. Pas vraiment un discours   pertinent pour répondre  au simplisme mystificateur des déclinistes. La construction d’un discours cohérent n’est  cependant pas évidente, sa complexité exige d’abord l’interrogation du champ des possibles  car il faut intégrer les mutations de nature systémique qui interviennent dans les domaines socio-économiques, techniques, écologiques et sociétaux déjà  évoqués. Bref, comme Diogène, on cherche un homme, l’intellectuel généraliste  capable d’appréhender  la complexité de l’ensemble de ces champs. Il en existe sans doute mais pour  l’instant les lumières médiatiques préfèrent éclairer  les penseurs qui rêvent d’un avenir qui ressemble au passé ou pire qui prévoient comme Onfray la fin de notre civilisation. Cela au moment même où  les valeurs de cette civilisation  s’imposent progressivement partout: en Asie, en Afrique, en Amérique du sud, à l’Est, dans les anciennes dictatures, communistes ou non. Certes non sans difficultés et dans un contexte de crise;  mais une crise qu’on ne résoudra  pas avec les vieux outils d’analyse partielle qui ne conduisent  qu’à une vision  ratatinée du monde.

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