Réduction TVA restauration : aucun effet
On devait créer 40 000 emplois avec cette de baisse de TVA, en réalité on en a créé 6 à 9000 Selon l’étude, les quelque 150 dispositifs dérogatoires existants privent l’Etat de pas moins de 48 milliards d’euros de recettes chaque année. Le mauvais exemple de la TVA dans la restauration est particulièrement épinglé. Pour rappel, c’est Nicolas Sarkozy qui, pour des raisons plus électoralistes qu’économiques, cédant au lobbying incessant et tonitruant des restaurateurs, avait arraché à la Commission européenne ce que Jacques Chirac (qui l’avait promise dès 2002) n’avait pu obtenir: baisser, au 1er juillet 2009, la TVA sur la restauration du taux normal au taux réduit, c’est-à-dire à l’époque de 19,6% à 5,5%. Le cadeau fiscal était généreux, représentant alors un manque à gagner annuel de 2,3 milliards pour l’Etat. Mais l’objectif affiché était de soutenir l’emploi dans un secteur intensif en main-d’œuvre. Bercy n’avait d’ailleurs pas signé un chèque en blanc: en contrepartie, les restaurateurs avaient, en contrepartie, signé un « contrat d’avenir » où ils s’engageaient à répercuter la baisse de TVA sur les prix pour au moins 7 produits dans chaque restaurant, et surtout à créer 40.000 emplois sur deux ans. A l’époque, la plupart des économistes étaient dubitatifs. Ainsi, Alain Trannoy, spécialiste de la TVA, estimait alors que si l’on pouvait mesurer la perte de recettes, le bénéfice attendu était lui plus qu’incertain. « Avec une croissance du PIB de l’ordre de 2%, la baisse du taux de TVA pourrait, en effet, créer 33.000 emplois, ce qui rendait déjà chaque recrue extrêmement coûteuse. Mais, en période de crise, l’impact sur l’emploi sera quasi nul », prédisait-il, ajoutant que « du côté de la consommation, cette baisse de TVA est injuste car elle va surtout bénéficier aux classes aisées, peu touchées par la crise: les 10% les plus riches dépensent dix fois plus en restauration que les 10% les plus pauvres. » Sa conclusion: « Cette baisse est une erreur. » Six ans plus tard, la Cour des comptes valide entièrement cette analyse, établissant un bien piètre bilan de cette mesure. Même si le taux a été relevé deux fois -à 7% en 2012 puis 10% en 2014- la dérogation fiscale a coûté chaque année en moyenne 2,6 milliards d’euros à l’Etat… qui ont permis aux restaurateurs d’améliorer leurs marges plutôt que de baisser leurs prix ou d’embaucher. Ainsi, selon les études, la réduction de TVA n’aurait permis de créer, entre 2009 et 2012, que 6.000 à 9.000 emplois par an de plus que le rythme normal de créations. Résultat: un coût par emploi créé exorbitant, entre 175.000 et 262.000 euros! Un gâchis quand on sait que cette mesure s’est substituée à d’autres dispositifs de soutien direct à l’emploi dans ce secteur qui ne coûtaient que 86.000 euros par emploi. D’autres mesures sont encore bien plus efficaces telles les exonérations de charges sociales sur les bas salaires, qui reviennent de 34.000 à 42.000 euros par emploi. La TVA réduite coûte donc cinq fois plus cher! Peu efficiente pour l’emploi, cette mesure a aussi assez peu profité aux consommateurs: seulement 20% de cette réduction a été répercutée sur les prix, d’après l’Insee. Surtout, la Cour souligne que ce taux réduit « n’est pas un outil de redistribution », au contraire, puisque l’avantage procuré par la TVA à 10% est de 11 euros en moyenne par an pour les 10% des ménages les plus modestes contre 121 euros pour les 10% des foyers les plus riches.
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