A priori la taxe carbone apparaît comme le remède miracle pour diminuer des émissions polluantes qui notamment influencent l’évolution du climat. Pourtant cette taxe est une triple fumisterie. D’abord elle fait croire que la fiscalité et la marchandisation sont des modes de régulation privilégiés. D’une certaine manière puisque les coûts de production seront augmentés, on confie au marché le soin de réguler. Seconde supercherie où ira le produit de cette taxe. ? Ou dans le trou sans fond des budgets publics ou dans la poche des acteurs économiques prêts à utiliser cette manne au profit de leur business et où de leurs actionnaires. Dernière observation : une taxe est une taxe, verte ou pas, et elle viendra un peu plus alourdir les prélèvements obligatoires et amputer la compétitivité. Le vrai signal carbone n’est certainement pas le prix mais la régulation qui a un moment donné doit faire preuve de courage et interdire l’émission polluante (exemple le diesel même s’il faut 15 ou 20 ans pour le faire). Dans les milieux des affaires, tout le monde se lève pour la taxe carbone! François Hollande, qui recevait ce matin quelques grands patrons (Engie, Solvay, Air liquide…) en prévision de la COP21, a dû faire le même constat que les invités au Sommet de l’Economie de Challenges, le 5 novembre, au Palais de Tokyo: si les modalités d’application diffèrent, en revanche, le principe d’un prix du carbone est plutôt bien accepté dans le business français. « Les entreprises demandent à l’occasion de la COP21 l’extension d’un ‘signal carbone’ », a ainsi déclaré en sortant de l’Elysée Gérard Mestrallet, le PDG d’Engie. Parmi ces derniers, Pierre-André de Chalendar et Antoine Frérot, PDG de Saint-Gobain et Veolia, étaient à la tribune du Sommet de l’Economie et ont défendu sans ambiguïté l’idée de fixer un coût à la pollution. Pour Antoine Frérot, c’est tout un cercle vertueux qui alors s’enclenche: « Il faut utiliser cet argent, qui élève certes le coût de production, pour diminuer le coût de la dépollution qui, aujourd’hui, vaut beaucoup trop cher. » Cela tombe bien, c’est le business de Veolia. Pour Pierre-André de Chalendar, idem: « Il faut consacrer cette enveloppe à la rénovation énergétique des bâtiments et aux transports, qui pèsent pour les trois quarts des émissions de gaz à effet de serre! » Là encore, bonne pioche, le bâtiment, c’est le rayon de Saint Gobain depuis 350 ans. Frérot est cependant vigilant dans les termes qu’il emploie: il préfère ainsi parler de « redevance » que de « taxe », pour s’assurer que l’argent récolté ne tombera pas dans la grande cassette de l’Etat, et restera ciblé pour des dépenses d’environnement. Et les deux PDG de souhaiter que cette « redevance » soit perçue également aux frontières, pour que les producteurs européens « ne se tirent pas une balle dans le pied ». Enfin, parmi ceux que la perspective de la taxe carbone n’enchante guère, il y a les banquiers. Certes on en trouve parmi eux qui ont déjà annoncé leur choix de ne plus financer les investissements dans le charbon – tels le Crédit agricole et la BPCE. Mais ils ne sont pas les plus actifs. A l’inverse, la Société générale, qui se revendique « un des plus grands acteurs mondiaux dans le financement de l’énergie », Frédéric Oudea se refuse « à avoir une vision idéologique du sujet ». Manière de rappeler que certains pays, notamment en Afrique, ne peuvent se passer de charbon, et que la taxe n’est pas alors la solution. BNP Paribas, très discret, et gêné sur le sujet, aimerait bien préparer une initiative pour la COP21, mais ne veut pas le faire au détriment des intérêts bien compris de ses clients de l’énergie.
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