ONU : un nouveau plan contre les inégalités, pour quels résultats?
Nouveau plan de pour le développement vient d’être adopté par l’ONU. L’objectif est de lutter contre la pauvreté et contre le réchauffement climatique. Un plan qui succède à celui qui avait été adopté en 2000. On peut espérer que ce nouveau plan sera plus efficace que le précédent. La réalité c’est que 20 % de la population possèdent 80 % de la richesse mondiale. Par ailleurs on s’oriente de plus en plus vers la marchandisation de toutes les ressources y compris dans le domaine alimentaire qui fait l’objet d’une spéculation éhontée sans parler de l’appropriation des terres, donc l’expulsion des petits paysans, par des fonds spéculatifs. La question du statut de l’eau n’est pas non plus réglée. Pour autant on compte sur ce nouveau plan pour avancer vers un développement cohérent d’ici 2030,1 plan qui vise à éradiquer la faim et l’extrême pauvreté, à réduire les inégalités au sein des Etats et entre Etats, atteindre l’égalité entre hommes et femmes, améliorer la gestion de l’eau et de l’énergie et à agir vite contre le changement climatique, sera supervisée et évaluée à partir d’un ensemble d’indicateurs qui doivent être adoptés d’ici mars 2016. Jamais sans doute trente petites pages n’auront suscité autant d’espoirs. Trois ans de travail et de négociations menées pour l’ONU par le Kenya et l’Irlande ont abouti à ce plan inédit de survie pour l’Humanité. « Transformer notre monde, programme de développement durable d’ici 2030 » titre le document paraphé par les 193 chefs d’État composant l’assemblée générale des Nations unies pour remplacer les huit objectifs du millénaire adoptés en 2000. Huit objectifs qui passent à dix-sept, plus ambitieux, mieux ciblés par 169 plans d’actions, davantage universels aussi. Il s’agit d’abord d’éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde d’ici à 2030 tout en maîtrisant le réchauffement climatique. D’autres suivent, comme éliminer la faim, vivre en bonne santé, avoir accès à l’eau, à l’éducation pour tous, à l’énergie, parvenir à l’égalité des sexes etc. Plus d’un milliard de personnes ont échappé à l’extrême pauvreté depuis 1990, date à partir de laquelle a été réduit de plus de moitié le taux de mortalité infantile. L’objectif visant à réduire de moitié la proportion de personnes vivant sans accès à des sources d’eau potable a pour sa part été atteint avec cinq ans d’avance. On sait que près de 800 millions d’êtres humains sont encore sous-alimentés dans une Humanité qui passera de 7,2 à 8,5 milliards d’individus en 2030, mais depuis 1990, le monde a été capable de réduire de moitié la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à 1,25 dollar par jour. Certes, en Afrique noire et en Asie, un milliard de personnes vivent encore sous cette barre symbolique. Oui, l’écart de revenus par tête établit toujours un rapport de un à cinq entre les pays riches occidentaux et les pays plus pauvres dits « émergents ». C’est la question du siècle : comment faire en sorte que la mondialisation des échanges profite réellement à tous ? Vœu pieux ? Moins de 20 % de la population détient 80 % des richesses planétaires, nombre de multinationales ne s’embarrassent pas de protection des droits sociaux ou environnementaux, les individus les plus riches font souvent peu de cas des projets de bien-être collectifs. À l’ONU de fixer un cadre éthique pour la sécurité alimentaire, le climat, les ressources naturelles, l’accès à l’eau, à l’assainissement, aux droits des femmes et des enfants, à la santé et à l’éducation. Vaste programme ! Le plan de survie du monde nécessitera entre 3 500 et 5 000 milliards de dollars par an pendant quinze ans pour en finir avec l’extrême pauvreté, la faim et le risque climatique. À comparer aux 17 700 milliards de dollars du produit intérieur brut américain ou aux 3 000 milliards français… L’effort à fournir porterait environ sur 5 % de la production intérieure brute mondiale (PIB, richesses produites). Jean Ziegler (ONU), Premier rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation, vice-président actuel du comité consultatif des droits de l’homme à l’ONU exprime ses doute sur les résultats :
« En 2000, les huit objectifs du millénaire ont abouti à un échec. Ici, prenant leur suite, ceux qui consistent à mettre fin aux 17 tragédies de l’Humanité n’ont pas été seulement réalisés par des groupes d’experts, mais avec les ONG, la société civile. C’est bien plus motivant et il est nécessaire de rappeler l’état du monde aux peuples et à leurs dirigeants. Oui, redire qu’un enfant meurt de faim toutes les cinq secondes et que ce massacre pourrait être évité. L’agenda va créer de la confiance et nourrir la réflexion des ONG. C’est bon pour le réveil des consciences mais c’est voué à l’échec si on ne donne pas les instruments pour anéantir les causes des 17 tragédies. On ne peut qu’être d’accord avec l’objectif d’éradiquer la pauvreté sous toutes ses formes et partout. Mais il faudrait donner les moyens d’agir pour interdire la spéculation boursière sur les aliments de base (riz, blé, maïs). Ou pour interdire le vol des terres fertiles par les fonds étrangers, 51 millions d’hectares en 2014 surtout en Asie du Sud et en Afrique noire. On y expulse des milliers de paysans pour faire du palmier à huile pour le bioéthanol au Bénin par exemple. Il y a des choses très précises à faire, l’ONU ne les évoque pas, comme le désendettement des 50 pays les plus pauvres pour les aider à investir dans une agriculture plus durable et qui ne profite pas d’abord qu’aux multinationales qui commandent aux politiques étrangères de leurs pays. Il faut énoncer clairement les causes des tragédies. Le néolibéralisme veut nous faire croire qu’il n’y a rien à faire, que le marché libre finira par résoudre les problèmes. Quelle erreur ! On le voit partout. L’ONU va proclamer, c’est bien, mais cela ne changera rien à l’ordre cannibale du monde.
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