Ne pas mettre les djihadistes en prison !! (Gilles de Kerkhove)
Dans cette interview au JDD du responsable européen de la lutte contre le terrorisme, on mesure bien les limites de l’action de l’UE mais aussi les interrogations sur la manière de traiter le problème Par exemple quand Gilles de Kerkove estime qu’il ne fait pas mettre les terroristes de retour du djihad en prison.de toute évidence il y a encore des progrès à faire, ne matière d’analyse ! Gilles de Kerkhove, coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, explique comment développer la lutte antiterroriste alors que les ministres européens se réunissent jeudi.
Jeudi, les ministres européens de l’Intérieur et de la Justice se réuniront à Riga. Sur quels points faudrait-il plus d’Europe dans la lutte antiterroriste?
L’une des idées serait de déployer des attachés de sécurité intérieure auprès des délégations européennes dans tous les pays concernés, du Maroc à la Turquie. Ces pays se sont souvent demandé si on était des partenaires dans la lutte antiterroriste, et pas seulement sur l’immigration. Or nous sommes confrontés à la même menace. La Libye étant, par exemple, un pays de transit des candidats au djihad, il faut aider la Tunisie et l’Algérie à accentuer le contrôle aux frontières, mais aussi l’Égypte, vu que beaucoup d’armes partent de Libye et se retrouvent dans le Sinaï, où est active une des « franchises » de Daech.
Comment améliorer l’échange d’informations au sein même de l’UE?
La douzaine d’États qui sont le plus confrontés à la question des combattants étrangers sont conscients qu’ils n’obtiendront d’informations que s’ils partagent les leurs. Il existe, par exemple, un point focal au sein d’Europol dédié aux combattants étrangers. Mais pour qu’on puisse croiser les noms et affiner les enquêtes, il faut convaincre les États d’alimenter ce point focal. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. La Belgique et l’Allemagne sont de gros contributeurs, tandis que d’autres ne fournissent pas grand-chose.
Faut-il œuvrer en vue de l’échange des données sur les passagers aériens, ce qu’on appelle le PNR (Passenger Name Record)?
Le PNR est essentiel car c’est un des rares mécanismes qui permet de détecter des mouvements suspects. Deux tiers des candidats européens au djihad sont identifiés par nos services de renseignement, mais un tiers passe « sous le radar ». Le PNR permettrait de mieux les détecter.
Que faire avec ceux qui reviennent d’Irak et de Syrie?
C’est une profonde erreur de les envoyer tous en prison. Bien sûr, il faut punir ceux qui ont du sang sur les mains, mais il faut pouvoir offrir une alternative à la voie judiciaire. Il faut plus de programmes de prévention et de réhabilitation. Mettre en prison un radicalisé va le radicaliser encore plus. Mohamed Merah et Amedy Coulibaly étaient des délinquants de droit commun qui sont devenus radicaux en prison au contact de vétérans du djihad ou d’imams autoproclamés. Il faut augmenter l’assistance spirituelle par des imams qui ne soient pas des prédicateurs de la haine et préparer le retour à la vie normale.
Le 29 janvier, les ministres européens de l’intérieur et de la justice se réuniront à Riga. Sur quels points faudrait-il plus d‘Europe dans la lutte antiterroriste?
Précisons d’abord que même si l’antiterrorisme est une compétence partagée entre l’UE et les Etats membres, ce sont les Etats membres qui, à 90%, font le boulot. L’UE a toutefois son mot à dire, et possède déjà des instruments comme Europol, Eurojust et Frontex. Je vois 5 ou 6 sujets sur lesquels on peut travailler : l’Internet, les contrôles aux frontières extérieures, l’échange d’informations entre tous les acteurs, l’éducation en Europe, ou encore une plus grande coopération avec les pays du pourtour méditerranéen, pour laquelle les ministres des affaires étrangères de l’UE ont donné lundi dernier mandat à la Haute représentante Federica Mogherini.
Quels seraient les contours de cette coopération euro-méditerranéenne?
L’idée serait de déployer des attachés de sécurité intérieure auprès des délégations européennes dans tous les pays concernés, du Maroc à la Turquie. Ces pays se sont souvent demandé si on était des partenaires dans la lutte antiterroriste, et pas seulement sur l’immigration. Or nous sommes confrontés à la même menace. La Libye étant par exemple un pays de transit des candidats au djihad, il faut aider la Tunisie et l’Algérie à accentuer le contrôle aux frontières, mais aussi l’Egypte, vu que beaucoup d’armes partent de Libye et se retrouvent dans le Sinaï où est active une des « franchises » de Daech.
Comment améliorer l’échange d’informations au sein même de l’UE?
La douzaine d’Etats qui sont le plus confrontés à la question des combattants étrangers travaille aujourd’hui de manière intense, tant ils sont conscients que la menace est très aiguë. Et ils sont tout aussi conscients qu’ils n’obtiendront d’informations que s’ils partagent les leurs. Il existe par exemple un point focal au sein d’Europol dédié aux combattants étrangers. Mais pour qu’on puisse croiser les noms et affiner les enquêtes, il faut convaincre les Etats d’alimenter ce point focal. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. La Belgique et l’Allemagne sont de gros contributeurs, tandis que d’autres ne fournissent pas grand-chose.
Faut-il œuvrer en vue de l’échange des données sur les passagers aériens, ce qu’on appelle le PNR (Passenger Name Record)?
Le PNR est essentiel car c’est un des rares mécanismes qui permet de détecter des mouvements suspects. Deux tiers des candidats européens au djihad sont identifiés par nos services de renseignement, mais un tiers passe « sous le radar ». Le PNR permettrait de davantage les détecter.
Comment freiner la radicalisation des jeunes djihadistes?
Cela passe par une meilleure éducation, ce qui entre davantage dans les compétences de la Commission européenne. Je suis convaincu que l’apprentissage à la pensée critique et à la lecture des médias, l’amélioration de la qualité pédagogique et scientifique des imams, la lutte contre l’antisémitisme et toute forme d’agression contre la communauté musulmane sont autant de points essentiels. Il faut prolonger le mouvement citoyen « Je suis Charlie » en allant vers plus de cohésion et de respect mutuel.
Que faire avec ceux qui reviennent d’Irak et de Syrie?
C’est une profonde erreur de les envoyer tous en prison. Bien sûr, il faut punir ceux qui ont du sang sur les mains, mais il faut pouvoir offrir une alternative à la voie judiciaire. Il faut plus de programmes de prévention et de réhabilitation. Mettre en prison un radicalisé va le radicaliser encore plus. Mohamed Merah et Amedy Coulibaly étaient des délinquants de droit commun qui sont devenus radicaux en prison au contact de vétérans du jihad ou d’imams autoproclamés. Il faut augmenter l’assistance spirituelle par des imams qui ne soient pas des prédicateurs de la haine et préparer le retour à la vie normale.
Daech occupant une partie du territoire syrien, peut-on faire l’économie d’une collaboration avec le régime de Bachar Al Assad?
C’est Mme Mogherini et les 28 ministres qui définissent la politique à l’égard de la Syrie, pas moi. Ils sont en train de finaliser une stratégie à l’égard de ce pays et de l’Irak. Ce qui me paraît assez clair, c’est que M. Assad ne fait pas partie de la solution. En relâchant de dangereux djihadistes, il a contribué à transformer une opposition démocratique modérée en un mouvement très radicalisé. La priorité aujourd’hui est de soutenir le nouveau gouvernement irakien à réformer son système de sécurité et à développer des politiques inclusives afin de marginaliser le cœur de Daech.
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