Economie : une décennie perdue (Jean Pisani-Ferry)
Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective considère que c’est une décennie perdue pour l’économie, autant dire que rien de positif n’est à attendre d’ici 2017. (Interview Le figaro)
Jean PISANI-FERRY. - On a cru que, passé la phase aiguë de la crise de la zone euro, la reprise allait spontanément prendre vigueur. Force est de constater que ce n’est pas le cas. On a mésestimé le risque d’une inflation trop basse. La Banque centrale européenne en avait conscience mais, aux prises avec la polémique sur l’appui aux pays en difficulté, elle n’a pas voulu ouvrir ce front et a tardé à agir. Trois facteurs positifs doivent pourtant être cités: l’orientation de la politique budgétaire d’ensemble est aujourd’hui neutre, elle ne pèse plus sur la demande; le taux de change de l’euro est plus favorable ; et la baisse du prix du pétrole. Néanmoins, la dynamique de croissance reste trop molle, et ce qui est inquiétant est que les anticipations s’ajustent à un scénario de stagnation. En 2016, le PIB par tête de la zone euro sera juste en dessous de celui de 2007. L’image d’une décennie perdue n’est pas exagérée. La France ne se distingue pas du lot.
En matière de finances publiques, elle est même mauvaise élève…
Elle a un lourd problème de crédibilité. Depuis quinze ans, elle n’a cessé de faire des promesses et de ne pas les tenir. Conjoncturellement, il est justifié de ne pas surdoser l’effort budgétaire à un moment où croissance et inflation sont toutes les deux trop faibles, mais nous avons du mal à convaincre que nous saurons le faire demain si la situation s’améliore. C’est ce qu’a dit le Haut Conseil des finances publiques. Le niveau de notre dépense publique est au cœur de ce débat. Il est 12 points supérieur à l’Allemagne. Cet écart s’explique en partie par des choix collectifs, par exemple le caractère public du système de retraite. Mais il résulte aussi d’inefficiences, en matière d’administration territoriale ou même de santé: par rapport aux meilleurs, à résultats égaux, notre système de santé coûte de l’ordre d’un point de PIB de plus. Et puis nous utilisons la dépense publique en substitut de réformes de fond, par exemple en matière de logement, pour lequel nous dépensons plus de 40 milliards pour un résultat médiocre.
Où en êtes-vous du rapport sur la croissance et l’investissement demandé par les ministres français et allemand de l’Économie, sur lequel vous travaillez avec l’économiste Henrik Enderlein?
Nous le rendrons avant la fin du mois. Évidemment, nous ne réinventons pas tout en un mois, mais nous allons faire des propositions nouvelles et originales. Il y a, dans chacun des deux pays, des réformes à faire, des investissements à prévoir. France Stratégie a déjà montré que l’Allemagne investissait peu, alors que la France investissait mal. Nous allons plus loin, car nous partageons la même inquiétude sur la situation actuelle.
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