Turquie: crise sociale, politique et financière
La devise turque s’échangeait vendredi soir à la clôture des marchés financiers turcs à 2,1492 livres pour un dollar, portant sa baisse depuis le début décembre à plus de 7,5% et depuis le début de l’année à plus de 15%. La monnaie s’échangeait vendredi soir à 2,9616 livres pour un euro, non loin de la barre symbolique des 3 livres pour un euro. La situation n’était guère meilleure à la Bourse stambouliote, où l’indice vedette BIST100 a clôturé à 63,885.22, en baisse de 1,04% par rapport à la veille. Il avait déjà chuté de 2,33% jeudi et de 4,2% mercredi. »La Turquie s’enlise dans une crise politique et la livre turque est à un niveau historiquement bas », observait Olivier Jakob du cabinet Petromatrix. Cette tourmente intervient malgré la décision de la banque centrale turque, annoncée mardi, d’injecter des liquidités pour tenter d’enrayer la chute de la livre, déjà fragilisée par le resserrement monétaire annoncé par la Fed américaine et qui défavorise les investissements internationaux dans les marchés émergents. La banque centrale turque a prévu d’injecter 450 millions de dollars chaque jour d’ici au 31 décembre et un total de 3 milliards USD en janvier. Le Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan traverse sa plus grave crise politique depuis son arrivée au pouvoir en 2002, son entourage étant touché par un scandale politico-financier de grande ampleur. La crise politique se ressent aussi sur le marché obligataire, où le taux de l’obligation à 10 ans atteignait vendredi 10,63% pour 9,84% le 25 décembre et 9,37% au début décembre. »La situation en Turquie est grave, c’est le moins que l’on puisse dire », souligne à l’AFP Markus Huber, courtier chez Peregrine and Black. »Pas seulement à cause de la chute de la livre turque et de la Bourse mais aussi en raison de la très grande incertitude qui règne et qui ne va pas s’atténuer dans un proche avenir », ajoute-t-il. Selon Markus Huber, « l’une des principales raisons pour laquelle la Turquie se redressait ces dernières années était la stabilité intérieure qui aidait à attirer les investisseurs et l’argent dans le pays et contribuer à une forte croissance économique ». Selon lui, « il faut encore savoir combien de personnes sont impliquées dans le scandale de corruption et, pour les investisseurs, combien de temps il faudra pour y mettre fin ou si cela sera étouffé pour ressortir plus tard ». Le Premier ministre avait annoncé mercredi le remplacement de près de la moitié de son gouvernement après la démission de trois ministres (Intérieur, Environnement, Economie) mis en cause par une enquête de la justice visant un trafic d’or avec l’Iran soumis à des sanctions internationales et des irrégularités sur des appels d’offres publics immobiliers. Des manifestations devaient se tenir vendredi soir dans plusieurs grandes villes de Turquie, dont Ankara et Istanbul, pour réclamer la démission de M. Erdogan. Le chef du gouvernement avait déjà été il y a six mois la cible d’une vague de manifestations qui a fait vaciller son pouvoir. »Le feu est important, plus important que ce que l’on prévoyait, et se propage vite », a écrit vendredi l’éditorialiste Huseyin Gulerce dans le quotidien Zaman, proche du prédicateur musulman Fetullah Gülen, exilé au Etats-Unis. Sa confrérie, omniprésente dans la police et la magistrature, n’a pas pardonné au gouvernement sa décision de fermer les nombreux établissements de soutien scolaire, une de ses importantes sources de revenus.