Hollande : la descente aux enfers
Croissance, chômage, fiscalité, sécurité, affaire Leonarda, municipales à Marseille autant de motifs pour plomber la popularité de Hollande sifflé maintenant même chez les socialistes. Dimanche soir, au moment des résultats de la primaire PS à Marseille, la perdante Samia Ghali a reproché en direct au président François Hollande et au Premier ministre Jean-Marc Ayrault d’avoir soutenu son rival Patrick Mennucci. Pire, ces deux noms jetés en pâture à des supporters déçus ont aussitôt été hués et sifflés, sous l’œil des caméras, sans que la finaliste ne bronche. Des « huées qui n’étaient pas supportables, mais qui n’étaient pas non plus significatives », a laborieusement tenté de relativiser lundi le Premier secrétaire du PS Harlem Désir. Sur un autre front, l’affaire Leonarda, l’intervention du chef de l’Etat samedi autorisant la jeune collégienne rom kosovare à revenir en France, mais seule, était censée clore la polémique. Harlem Désir désavouant de fait la position présidentielle en demandant que la fratrie et la mère de Leonarda puissent aussi rentrer, les écologistes ont diffusé un communiqué déplorant le caractère « inhumain » des propos de François Hollande… Signe de la nervosité ambiante, ils ont ensuite précisé qu’il s’agissait d’une « initiative personnelle » d’une porte-parole. »Tout le monde est perplexe. Personne ne sait comment on se sort de tout cela. Je n’ai jamais vu un truc pareil », confiait un cadre socialiste à l’AFP lundi. « Il y a un cocktail qui fait que cette situation est inédite », ajoutait-il. « Depuis samedi, tout le monde reconnaît que le président peut nous surprendre », disait-il, interrogatif sur la suite de tous ces événements. »Chez moi dans les cafés, les gens disent +ce type, on peut pas lui laisser le bouton nucléaire+ », ironise un responsable de l’opposition. Le porte-parole des députés PS Thierry Mandon a critiqué « l’intervention extrêmement surprenante d’Harlem Désir qui a tout brouillé, une demi-heure seulement après les propos présidentiels ». « C’est plus qu’une erreur, une faute », a-t-il dit, se félicitant toutefois que M. Désir soit revenu sur ses propos lundi. Mais au-delà et révélateur d’un malaise profond, quelque 25 parlementaires PS du courant « La gauche durable » ont souligné l’exaspération d’une gauche « à la peine » avec la politique économique et sociale du gouvernement et leur ras-le-bol d’être mis « en porte-à-faux avec (leurs) valeurs ». Le Premier ministre, en déplacement à Copenhague, a demandé de « revenir à l’essentiel » et de mettre « fin à toutes les exploitations politiques et politiciennes ». « Il y a beaucoup trop de passion et un manque de sang-froid qui s’est développé ces dernières heures », a-t-il dit. M. Ayrault viendra mardi devant les députés socialistes, ce qui n’était pas prévu initialement à son agenda. Pour sa part, François Hollande a reçu lundi, selon des sources concordantes, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. La teneur de leur entretien, non inscrit à l’agenda officiel du chef de l’Etat, n’a pas été dévoilée. Dans la matinée, Manuel Valls avait appelé à ne « pas créer nous-mêmes le désordre à partir de nos propres rangs ». Déjà, la semaine dernière, le gouvernement avait dû affronter l’indiscipline de 17 députés de l’aile gauche du PS qui s’étaient abstenus sur la réforme des retraites, texte majeur du gouvernement. Une fronde qui s’est poursuivie lors du débat sur le budget, malgré « l’obligation de solidarité » rappelée par M. Ayrault. Pour Bruno Jeanbart (OpinionWay), une digue a cédé et « l’impopularité du chef de l’Etat donne le sentiment à la majorité qu’on peut facilement s’opposer au pouvoir ». »François Hollande a une autorité affaiblie depuis un certain temps. Quand le locuteur est délégitimé, toute prise de parole lui attire des critiques supplémentaires », abonde Philippe Braud, professeur émérite à Sciences-Po. La cote de popularité du chef de l’Etat est au plus bas en octobre à 23% selon un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche. Fait nouveau, relève M. Jeanbart: « Les critiques viennent davantage du coeur de la gauche », alors qu’au début du quinquennat on entendait surtout l’aile gauche du PS et les écologistes. »Le fait que les précédentes critiques, notamment celles des Verts, n’aient pas été sanctionnées, a donné le sentiment à un certain nombre d’élus socialistes que le risque n’était pas majeur de s’exprimer », estime-t-il. Mais le débat ne se limite pas à la forme: « Les sujets de l’immigration sont au coeur des difficultés de la gauche depuis une dizaine d’années », souligne Emmanuel Rivière (Sofres) pour qui l’affaire Leonarda a illustré l’absence d’une « ligne claire » de l’exécutif.
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