Attali : 45 propositions sur l’ »économie positive »
« L’absence de prise en compte du long terme est la cause principale de la crise actuelle. Il est très inquiétant de voir les sociétés, les Nations de plus en plus focalisées sur le court terme », a expliqué devant la presse l’ancien conseiller de François Mitterrand. Il venait de s’entretenir et de débattre à l’Elysée avec le président Hollande, auquel il a remis le rapport « Pour une économie positive » (ed. La Documentation française et Fayard), fruit d’une année de réflexions de différents experts (économistes, sociologues, scientifiques, entrepreneurs, etc…). Le document présente 45 propositions susceptibles de pouvoir s’appliquer à l’échelon national ou bien européen, voire à l’échelle du G8 ou du G20. « L’économie positive est une économie qui réoriente le capitalisme vers la prise en compte des enjeux du long terme (…) Elle vise (…) à rendre compatibles l’urgence du court terme et l’importance du long terme », explique l’ouvrage. L’un des préalables est de « bâtir un capitalisme patient, à travers une finance positive, qui retrouve son rôle de support de l’économie réelle », souligne en particulier le rapport. »La finance est à si court terme. C’est parce qu’il y a une tyrannie du court terme dans toutes les dimensions de nos sociétés qu’on a eu la crise de 2007-2008″, a insisté Jacques Attali devant François Hollande. C’est pourquoi plusieurs des propositions portent sur les questions financières: « rediriger l’épargne et les investissements vers les activités positives » (portant sur le long terme), « favoriser le développement de la microfinance », « poursuivre et amplifier la lutte contre les paradis fiscaux », « indexer la rémunération des dirigeants sur la positivité de l’entreprise ». A ce dernier sujet, le document remarque que « les stock-options et modes de rémunération annexés au cours de la Bourse alignent les incitations des dirigeants sur celles des actionnaires. Ils freinent les stratégies de long terme des entreprises ». Rendre des comptes pas uniquement aux actionnaires Le rapport préconise aussi que la France milite au niveau européen ou du G20 en faveur du renforcement des actionnaires de long terme, dont les droits de vote « pourraient être proportionnels » aux titres détenus mais aussi à la durée de détention. L’objectif étant de « mettre fin à la myopie actionnariale ». Jacques Attali considère d’ailleurs que la définition même de l’entreprise dans le Code civil doit être modifiée, étant actuellement tournée vers « l’intérêt de ses associés capitalistes ». Un tel amendement « forcera les dirigeants d’entreprises (…) à avoir des comptes à rendre à d’autres qu’aux actionnaires et à faire en sorte que d’autres indicateurs se développent et à la finance d’être responsable », a-t-il relevé. »La finance, on ne lui demande pas d’être vertueuse, on lui demande d’être fructueuse », a commenté François Hollande. Le document préconise la création d’un « Conseil du long terme », qui prendrait en compte les intérêts des générations futures et qui pourrait voir le jour « à partir du Conseil économique, social et environnemental » (Cése), une institution controversée. Jacques Attali a indiqué que les experts du rapport avaient travaillé aussi à l’élaboration d’un indicateur sur le « caractère plus ou moins positif d’une économie ». Sur les 34 pays de l’OCDE, la France, « plutôt moyenne en tout, pas catastrophique dans aucun secteur », était 19e au début de 2012, la Suède première, les Etats-Unis 12e, l’Allemagne 13e. Saluant le travail accompli, François Hollande a invité ses auteurs à définir d’ici un an, avec le Cése, une « feuille de route de l’économie positive » dans le cadre des perspectives de la France dans dix ans. Il a souhaité aussi la promotion d’un grand « débat participatif sur l’économie positive, qui pourrait faire, a-t-il dit, l’objet de propositions françaises au niveau de l’UE. Aujourd’hui, a dit le chef de l’Etat, j’ai voulu que nous puissions réfléchir à la France dans dix ans ». Si « les prétentions » des gouvernements portent sur le long terme, « toutes leurs actions néanmoins sont souvent de court terme ». « L’économie positive doit les obliger à lever la tête », a-t-il conclu.
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