Michelin: grève à Joué les Tours
Vers 16H00, des dizaines d’ouvriers occupaient encore les abords du site tourangeau totalement à l’arrêt depuis que l’équipe du matin, qui devait prendre son service à 04H30, a décidé de débrayer. Aucun poids lourd ne passait lundi après-midi, aux deux entrées dédiées à l’approvisionnement du site, a constaté un correspondant de l’AFP. Un peu plus tôt dans la journée, des centaines de salariés, certains soutenus par leur conjoint, se sont rassemblés dans la cour de l’usine pour entendre la nouvelle. L’annonce de Michelin devait avoir lieu mercredi mais, après des fuites dans la presse, l’officialisation de la direction est finalement tombée en fin de matinée comme un couperet. »Ce matin, il a fallu calmer les esprits. Certains étaient prêts à mettre le feu aux pneus. Si l’usine doit brûler, elle brûlera », a déclaré Claude Guillon, délégué CGT, quelques minutes après la confirmation par la direction de l’arrêt en 2015 de la production de pneus pour poids lourds à Joué-lès-Tours. »2015, c’est terminé pour nous. Par contre, on a leurré les gens en leur faisant croire que, s’ils travaillaient bien, on maintiendrait l’activité », a renchéri le délégué SUD, Olivier Coutant. Arrivés peu avant 13H00, les ouvriers de l’équipe de l’après-midi n’ont pas pris leur poste et sont restés dans la cour avec leurs collègues du matin. De son côté, le maire de Joué-lès-Tours Philippe Le Breton a indiqué lors d’une conférence de presse qu’il espérait que Michelin « livrera des explications comparées sur le choix de la Roche-sur-Yon par rapport à Joué-les-Tours ». Vers 13H30, le directeur du site, Jean-Denis Houard, est sorti de l’usine pour aller à la rencontre des salariés. Mais, constatant la présence de journalistes, il a déclaré: « Je ne m’exprime pas (devant les salariés, ndlr) dans de mauvaises conditions. » Il a ensuite rebroussé chemin sous les sifflets des salariés. »Après la résignation vient la révolte. On n’ira pas à l’extérieur de l’usine, on restera dedans. Mais il y a de l’argent dans l’usine. Si Michelin n’est pas capable de négocier correctement, il y perdra plus que les salariés ne vont y perdre », a poursuivi M. Guillon. »Nous sommes déterminés », a prévenu le syndicaliste. A Joué-lès-Tours, « nous avons un moyen de pression, l’atelier qui fait du calandrage et qui fournit 25 à 30% des usines en Europe. En bloquant cet atelier pendant une semaine, on arrêtera 20 à 25% des usines en Europe », a-t-il menacé. Le calandrage est la fabrication des nappes textiles et métalliques des pneus. »Il y a encore dix jours, notre cher directeur nous a envoyé un document à la maison en nous félicitant sur notre taux de rendement. Et, dix jours après, il nous annonce qu’il nous fout à la porte. On a affaire à un grand guignol », s’est exclamé M. Coutant. Du côté des salariés, c’est le désarroi et l’incompréhension. « Le groupe fait du bénéfice, l’an dernier 2 milliards 100 millions d’euros dans le monde. On ferme en France mais on investit à l’étranger, en Inde ou en Chine. C’est inadmissible. Où va-t-on trouver de l’emploi dans un bassin sinistré? » s’emportait Norbert Ressault, 55 ans, dont 37 ans et demi d’ancienneté. »Ma femme vient de perdre son emploi, son usine vient de couler. Que va-t-on faire? » s’interrogeait M. Ressault. Situation aussi préoccupante pour Laurent Giteau, 45 ans: « Ma femme travaille aussi chez Michelin. On a un enfant de trois ans et demi. On vient de faire construire une maison. On ne peut pas être mobile… » Pascal Levêque, 53 ans, s’est insurgé: « toute ma famille vit là, on ira pas ailleurs, on va pas tout abandonner pour un seul salaire de 1.500 euros pour faire les 3X8″. Dans un communiqué, la direction de Michelin a annoncé lundi « l’arrêt de l’atelier poids lourds de l’usine de Joué-lès-Tours ». Implantée depuis 1961, l’usine de Joué-lès-Tours a compté jusqu’à 4.000 salariés dans les années 1980.
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