Barnier : « Abandonnons la ligne ultralibérale » ; il serait temps !
Barnier (commisaire européen) se réveille (il était temps, il est en fin de mandat ; il veut revenir l’économie sociale de marché (interview JDD)
Hollande a dit vouloir sortir l’Union européenne de sa langueur. Ses annonces le permettent-elles?
Ce qui était essentiel est qu’il commence par l’Europe. Qu’il explique que l’Europe doit être la solution et non plus le problème. La France, qui fut un moteur avec Schuman et Monnet depuis 1950, devait reprendre l’initiative. En France, nous avons l’Europe honteuse. Elle est devenue un problème pour le PS et l’UMP. On ne peut pas toujours se défausser sur Bruxelles pour expliquer que ça ne va pas en France. J’ai dit il y a six mois au président de la République qu’il est temps d’ouvrir un grand débat national sur le projet européen de la France. À Bruxelles, on gagne quand on est en tête du débat d’idées. Je suis heureux du signal qui a été donné par François Hollande. Mais l’une des conditions de la crédibilité de la parole française est de réduire son déficit et d’améliorer sa compétitivité.
La gouvernance économique a-t-elle une chance d’être mise en œuvre?
Elle a déjà beaucoup progressé depuis deux ans. Nous avions construit l’union monétaire en laissant prospérer la désunion économique et budgétaire. C’est cette contradiction que la crise a révélée. Nous pouvons encore aller plus loin avec un jour un président permanent de la zone euro, qui soit en même temps vice-président de la Commission et responsable devant le Parlement européen, c’est une idée que j’ai suggérée il y a deux ans.
L’Union européenne est vue comme un simple grand marché. Faut-il une Europe sociale?
Un socle fiscal et social commun est aussi une condition pour avoir un marché intérieur juste. Nous devons revenir vers l’économie sociale de marché, que l’on a abandonnée depuis trente ans au profit d’une ligne ultralibérale. Cela veut dire la préservation d’un certain modèle économique et social de protection. Il faut dans chaque pays et dans chaque branche un salaire minimum. La convergence fiscale et l’harmonisation sociale, évidemment qu’il faut les faire. La Commission a fait des propositions en ce sens. Nous avons, par exemple, proposé l’harmonisation des bases de l’impôt sur les sociétés. Trop souvent, nous nous heurtons à la règle de l’unanimité, qu’il faut changer.
Vanter l’investissement avec un budget européen en baisse, n’est-ce pas contradictoire?
Mais l’investissement, ce n’est pas uniquement la dépense publique, il faut aussi rediriger l’épargne privée vers des investissements productifs. Par ailleurs, la Commission avait proposé un budget beaucoup plus important. Dans cette crise, les États se sont tous un peu repliés sur eux-mêmes, y compris la France. Il n’y a aucune ligne Maginot nationale derrière laquelle on pourrait se replier. Les solutions passeront par un budget européen plus important.
Faut-il en finir avec l’austérité?
Il faut faire attention à ce que l’austérité ne tue pas la croissance, et donc adapter le rythme des efforts.
Avez-vous noté un changement de ton vis-à-vis de l’Allemagne?
Je n’avais pas aimé l’expression de « tension amicale » et encore moins celle de « confrontation ». J’étais heureux que le discours de jeudi soit placé sous le thème de la coopération franco-allemande, qui n’a jamais été facile et spontanée.
Pour vous, à l’avenir, l’Union européenne sera fédérale ou ne sera pas?
En France, ce mot est vécu comme un abandon de souveraineté ou d’identité. Donc méfions-nous de ce terme, même s’il ne me fait pas peur. J’ai toujours fait mien le concept de Jacques Delors de fédération d’États nations. Nous avons besoin des nations pour combattre le nationalisme.
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