Tapie : Lagarde joue son poste au FMI

Tapie : Lagarde joue son poste au FMI

Devant la Cour de justice, Christine Lagarde devra s’expliquer sur trois principaux soupçons dans l’affaire qui s’est soldée par une « bérézina financière » pour les deniers publics, et qui a valu à Bernard Tapie d’obtenir la totalité de ses demandes, plus un préjudice moral de 45 millions d’euros. Le premier soupçon concerne la décision d’aller en arbitrage plutôt que de laisser les tribunaux examiner les « affaires Tapie ». Christine Lagarde assume son choix : « L’arbitrage était le seul moyen juridique pour mettre un terme d’un coup à tous les contentieux. Mme Lagarde avait posé trois conditions, notamment celle que le choix des arbitres soit incontestable, insiste son avocat. Avec Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, et Jean-Denis Bredin, avocat réputé, il n’y avait aucun soupçon à avoir. Quant au troisième arbitre, Pierre Estoup, ancien président de la cour d’appel de Versailles, c’était un haut magistrat qu’elle ne connaissait pas. » N’empêche, au sein même de l’administration, à Bercy, certains préféraient laisser le dossier aux mains des tribunaux. « Au moment où la décision de recourir à l’arbitrage a été prise, la procédure judiciaire en cours étaient favorable à l’État, il n’y avait donc aucune raison logique de ne pas laisser faire la justice », estime Thomas Clay, professeur de droit, spécialiste de ces questions. Le deuxième soupçon porte sur la décision de la ministre des Finances de ne pas engager de recours contre la sentence favorable à Tapie. Quand elle est rendue, le 7 juillet 2008, la décision des trois juges arbitres lui accordant 285 millions d’euros (hors intérêts) provoque un tollé. À gauche, des parlementaires, emmenés alors par Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l’Assemblée, tentent de la contester. Mais dès le 28 juillet, Christine Lagarde décide de ne pas s’opposer à l’arbitrage. « À cette date, il n’y avait strictement aucune raison d’engager un recours en annulation », assure Me Repiquet. Là encore, un sujet controversé : « D’après moi, le succès du recours en annulation était acquis », estime le Pr Clay. Le troisième soupçon concerne la période entre le 30 octobre et le 28 novembre 2008. Fin octobre, l’avocat du CDR (la structure qui représente l’État dans le dossier), Me Gilles August, se rend compte que Pierre Estoup, contrairement à sa déclaration sur l’honneur, avait dans le passé travaillé à trois reprises avec Me Lantourne, l’avocat de Tapie. « C’était un élément de nature à demander la récusation de Pierre Estoup, ce qui aurait pu faire capoter l’ensemble de l’arbitrage », assure Thomas Clay. Mais entre le 30 octobre et le 28 novembre, personne ne bougera, alors que le CDR a demandé deux consultations juridiques sur le sujet, qui, toutes les deux, concluent à la possibilité d’une récusation de Pierre Estoup. « Mme Lagarde n’a jamais été alertée de ces soupçons, ce n’est jamais remonté jusqu’à elle », certifie son avocat. Quid alors de la mention, « le cabinet de la ministre a été informé » sur un compte rendu du conseil d’administration du CDR en date du 3 novembre 2008? Pourquoi ne pas avoir réagi à l’époque, laissant en outre filer les délais de prescription? C’est une des principales énigmes du dossier.  En parallèle à l’enquête de la Cour de justice concernant Christine Lagarde, trois juges d’instruction parisiens planchent sur ces mêmes questions. En perquisitionnant chez Pierre Estoup et Maurice Lantourne, puis cette semaine chez Claude Guéant, l’ancien secrétaire général de l’Élysée, les trois juges soupçonnent l’arbitrage Tapie d’avoir été biaisé. Et cherchent à savoir par qui. « Tout s’est décidé à Bercy », a assuré Claude Guéant sur France Info au lendemain de la perquisition.  Comme l’a révélé L’Express, les trois magistrats ont aussi en main, via leur collègue de Bordeaux en charge de l’affaire Bettencourt, l’agenda de Nicolas Sarkozy et les dates de ses douze rendez-vous avec Bernard Tapie. L’ancien président aura-t-il à s’expliquer sur l’affaire? Devant les juges d’instruction ou devant la Cour de justice? Le dossier s’annonce sulfureux. D’autant que tôt ou tard, l’État aura à prendre la décision de se constituer ou non partie civile dans l’enquête judiciaire en cours. « Les instructions sont des machines à faire émerger des faits nouveaux », pronostique Thomas Clay. Et qui dit éventuel fait nouveau dit possibilité de faire casser l’arbitrage… Selon nos sources, le CDR vient de demander à ses avocats une note juridique sur l’éventualité d’une constitution de partie civile. « 

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