Ikea : champion du monde de l’optimisation fiscal
Le parlement a décidé d’enquêter sur l’optimisation fiscale li était temps. Pas sûr qu’on aboutisse à grand chose car la plus grande partie de cette optimisation est légale ; En gros on plombe les marges de filiales des pays à forte fiscalité (internalisation des pertes), et au contraire on externalise les profits dans des filiales de pays à faible fiscalité (un simple transfert de charges via des prestations surfacturées ou des pseudos prestations) ; Pour bénéficier de la défiscalisation en outre-mer, Ikea a investi dans un ferry en Nouvelle Calédonie (Betico). . Un des champions du monde dans ce domaine est Ikea, qui utilise toute une palette d’outils de défiscalisation ayant bien peu de rapport avec la vente de meubles… Ainsi, la filiale française fait un usage intensif de la loi Girardin, qui permet de déduire de ses impôts effectués les investissements en outre-mer. Une filiale d’Ikea France, Finvest, détient six centrales photovoltaïques à La Réunion; un ferry assurant des liaisons maritimes en Nouvelle Calédonie; un ensemble de villas à Tahiti baptisé « les Jardins de Paea »; et enfin des parts dans le navire méthanier M32 appartenant à GDF. Une autre filiale, Finpart, a investi dans le câble sous-marin Honotua qui relie Tahiti à Hawaii. « Il est rare qu’une entreprise industrielle utilise de la défiscalisation en outre-mer« , indique Hervé Israel, avocat associé chez Holman Fenwick Willan. Mais Ikea profite aussi des incitations fiscales liées aux énergies renouvelables, même si ces investissements ont officiellement un but écologique. Il s’est ainsi offert trois fermes d’éoliennes dans l’Aisne et l’Indre, et des panneaux photovoltaïques. Ceci permet en outre au fabricant de meubles de vendre à EDF l’énergie ainsi produite avec un surcoût. Last but not least, une dernière filiale, Apollo Finance II, détient… un Airbus A 340, utilisé par Air France via un crédit bail. Le montage est construit de telle sorte que cette filiale génère des pertes opérationnelles, réduisant ainsi la rentabilité du groupe. Au total, selon les comptes, ces différentes filiales de défiscalisation ont permis à Ikea France de réduire l’impôt sur les bénéfices de 34,7 millions d’euros sur l’exercice clos fin août 2010, puis de 35,6 millions d’euros sur l’exercice suivant. Ikea ne se contente pas de payer peu d’impôt. Le fisc a aussi notifié à une des filiales françaises d’Ikea, Distribution Services Ikea SNC, un redressement fiscal d’un total de 16,4 millions d’euros portant sur les années 2002 à 2004. La somme a été payée lors de l’exercice clos fin août 2010, mais l’entreprise la conteste. Mais ce n’est pas tout. Ikea utilise, partout dans le monde, une autre méthode très répandue pour payer moins d’impôts: plomber délibérément sa marge pour faire peu de bénéfices. Ainsi, la principale filiale française, Meubles Ikea France SNC, réalise une marge d’exploitation très faible (7%), et une marge nette encore plus anémique (4%). Explication: des « charges d’exploitation » très importantes absorbent 94% du chiffre d’affaires. On ne sait pas précisément à quoi elles correspondent. Tout juste sait-on que chaque magasin doit payer des royalties s’élevant à 3% du chiffre d’affaires en échange de l’utilisation de la marque, du concept et du savoir faire. Lors du dernier exercice, les magasins français ont dû payer près de 75 millions d’euros de royalties. Soit autant de bénéfices en moins, et donc 25 millions d’euros d’impôts sur les bénéfices économisés.Ces royalties sont versés à une société néerlandaise (Inter Ikea Systems BV), qui, au total, a touché en 2011 789 millions d’euros de royalties provenant du monde entier. Cette société est elle-même détenue par une société luxembourgeoise, Inter Ikea Holding SA. Celle-ci paye très peu d’impôts (18 millions d’euros en 2011), bien qu’elle réalise un chiffre d’affaires conséquent (2,4 milliards d’euros). La société luxembourgeoise est elle-même détenue par une fondation au Lichtenstein, baptisée Interogo. Officiellement, la famille Kamprad, qui a fondé Ikea, contrôle la fondation, mais ne la détient pas. Selon Ikea, la fondation « se détient elle-même« , et réinvestit ses profits ou les garde en réserve. Au final, ces montages font donc fondre la facture payée au fisc français d’une soixantaine de millions d’euros par an. Interrogée, la société refuse de donner le montant précis de l’impôt sur les bénéfices qu’elle acquitte en France, se contentant juste d’indiquer avoir payé 162 millions d’euros au total sur les quatre derniers exercices. Ce qui fait une moyenne de 40 millions d’euros par an, une somme modeste au regard des 2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés dans l’Hexagone. La société précise « avoir toujours payé ses impôts dans le respect de la législation fiscale française« . Mais elle assume aussi son dégoût de l’impôt. Lorsque, il y a deux ans, la télévision suédoise avait révélé l’existence de la fondation au Lichtenstein, le groupe avait publié une mise au point, dans laquelle il revendiquait avoir mis en place « une structure fiscale optimisée », et ajoutait « avoir toujours considéré les impôts comme un coût« . Selon la télévision suédoise, les montages fiscaux mis en place par Ikea utilisent aussi des filiales dans d’autres paradis fiscaux, comme la Suisse, Curaçao, les îles Vierges britanniques ou Chypre.
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