Affaire Armstrong : le labo mouillé
En attendant les aveux chocs de Lance Armstrong jeudi prochain, c’est son fossoyeur, le patron de l’USADA Travis Tygart, qui distille de petites bombinettes qui continuent d’ébranler un peu plus le monde du cyclisme. Quelques jours après avoir lâché que le Texan avait tenté en vain d’amadouer son agence avec quelques centaines de milliers de dollars au milieu des années 2000, Tygart a déclaré jeudi sur une chaine américaine que le laboratoire de Lausanne et son directeur Martial Saugy avaient aidé le leader de l’US Postal à contrer le test de l’EPO. « (Lors d’un dîner en 2010) il (Saugy) s’est assis à côté de moi et m’a dit : ‘‘Travis, il y a un échantillon de Lance Armstrong (du Tour de Suisse 2001, ndlr) qui indiquait qu’il utilisait de l’EPO’’. » Une information qui n’est pas nouvelle puisqu’elle figure dans le rapport de l’USADA (p. 52). Ce qui suit l’est plus, en revanche. « Il nous a aussi dit qu’il lui avait été ordonné par l’UCI de rencontrer Lance Armstrong et Johan Bruyneel (son manager à l’US Postal) pour leur expliquer la méthode de détection de l’EPO ! Alors je lui ai demandé : ‘‘Avez-vous donné à Armstrong et Bruyneel les clés pour déjouer les tests de détection de l’EPO ?’’ Et il a hoché la tête pour dire oui… Autant que je sache, c’est sans précédent ». Le rapport de l’USADA évoque la visite du coureur et de son manager au siège de l’UCI, le chèque controversé de 100 000$ offert à l’instance internationale, mais pas la participation du laboratoire à la protection du « Boss ». Joint par RMC Sport, le laboratoire de Lausanne n’a pas voulu commenter ces accusations invoquant le « devoir de réserve ». Toujours selon l’établissement, Saugy devrait néanmoins sortir de son silence très bientôt pour s’expliquer. Une conférence de presse aura ainsi lieu ce vendredi à 13h30. En attendant, comment expliquer qu’Armstrong ait pu se trouver dans le laboratoire suisse ? « Quand un sportif est positif, il peut demander une contre-expertise, et dans ce cas-là, on peut lui expliquer la méthode de détection », explique un expert habitué des procédures de lutte antidopage. Ce qui corroborerait l’hypothèse du test anormal à l’EPO sur le Tour de Suisse 2001. Plus gênant, le rôle d’exécutant de Saugy et de son établissement. Avec le docteur Michele Ferrari, qu’il consultait depuis 1998, ancien bras droit du non moins sulfureux Francesco Conconi, Armstrong était au fait des derniers développements de la lutte antidopage. Lorsque le laboratoire de Chatenay-Malabry a mis au point le test sanguin de l’EPO en 2000, Ferrari est passé aux transfusions sanguines. La collusion prétendue entre le clan Armstrong et le duo UCI-Laboratoire de Lausanne soulève le problème du statut des laboratoires. Un établissement financé en majorité par des commanditaires privés peut être amené à céder devant les pressions politiques. Un grand nombre des prélèvements UCI sont analysés à Lausanne. « Il faudrait mutualiser à l’échelon mondial la recherche et les analyses pour éviter les mauvaises surprises », suggère le professeur Michel Rieu, conseiller scientifique de l’AFLD.
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