Pour Guy Dollé, ancien PDG d’Arcelor, « on ne sauvera pas les hauts fourneaux lorrains » :
(Interview des Echos)
Y a-t-il un gagnant et un perdant dans cet accord ?
Sur le résultat, il n’y a ni gagnant ni perdant. Sur la manière de procéder, je ne pense pas que le gouvernement soit gagnant, avec notamment la dialectique développée cette semaine concernant un repreneur non crédible. Mais ArcelorMittal n’est pas non plus très gagnant, le groupe aurait pu vraisemblablement communiquer sur ce sujet depuis plusieurs semestres et adopter un comportement vis à vis du personnel plus performant.
Est-ce que le projet Ulcos a une chance d’aboutir au redémarrage des hauts-fourneaux de Florange ?
Le projet Ulcos ne va pas sauver les hauts-fourneaux de Florange. Une fois l’expérimentation faite et la conclusion sur la viabilité du procédé obtenue, le procédé sera étendu aux installations plus performantes. Faire croire qu’Ulcos va sauver les hauts-fourneaux lorrains c’est de la tromperie. Cela donne une année environ d’expérimentation sur un haut-fourneaux, puisque compte tenu des investissements l’expérimentation ne se fera que sur l’un des hauts-fourneaux. Mais le maintient des installations sous cocon représente un intérêt pour l’ensemble de la sidérurgie mondiale et un essai réussi à Florange serait très significatif. La menace sur le matériau acier des pénalités liées à la production de CO2 est extrêmement importante. En outre, cette mise sous cocon est une opération classique. Si les hauts-fourneaux ne sont pas maintenu au chaud ils peuvent redémarrer en deux ou trois mois, c’est donc tout à fait compatible avec Ulcos.
Est-ce que qu’ArcelorMittal a fait des concessions significatives dans cet accord ?
Non. Sur l’engagement du groupe à ne pas faire de plan social, c’était son intérêt et c’était vraisemblablement ce qu’il aurait fait. Il n’était pas nécessaire d’avoir un plan social compte tenu de la pyramide des âges. Le problème se situe plutôt au niveau du tissu industriel local, pour les sous-traitants. Les investissements sont vraisemblablement du même ordre que ceux habituellement consentis au site. Il faudrait examiner comment il seront alloués. Le problème est de savoir quelle partie des investissements seront consacrés à la filière emballage, qui est menacée étant donnée sa vetustée relative à Florange et quelle partie sera consacrée à la filière automobile. Tout dépendra de l’affectation des 180 millions dont on parle.
Quel est l’avenir du site de Florange sans ses deux hauts-fourneaux ?
Ces installations, compte tenu de leurs handicaps et des investissements à réaliser pour les remettre à neuf, n’ont pas d’avenir, le sujet est connu depuis une dizaine d’années. La vrai menace qui pèse sur Florange réside dans le devenir des constructeurs automobiles situés à proximité du site. L’usine est performante, mais elle ne peut vivre que si il y a des débouchés suffisants dans un rayon de 300 à 400 kilomètres. La force du site réside dans ses outils aval qui sont parmi les plus modernes d’Europe, dans la qualité de son personnel qui a l’habitude de traiter des produits de haut niveau et dans sa proximité avec le centre de recherche de Maizières-lès-Metz. La viabilité de Florange est liée à l’avenir de la filière automobile en Europe de l’Ouest. Une menace dont l’enjeu est trois à quatre fois plus important que l’avenir des hauts-fourneaux puisque les effectifs dans les hauts-fourneaux représentent tout juste un quart des effectifs du site.
Est-ce que la nationalisation temporaire était crédible ?
Absolument pas. Dans le cas présent, nationaliser pour trouver un repreneur aurait entraîné de nombreux problèmes pour l’aval de Florange, cela n’était pas sérieux. La nationalisation je n’y suis pas opposée. Celle réalisée en 1982 a permis de mettre en forme la sidérurgie d’Usinor et de faire les restructurations nécessaires. Si la sidérurgie française est performante aujourd’hui c’est grâce à la nationalisation. Mais si l’on veut nationaliser cela doit être avec une vision industrielle pour l’avenir. Ce n’était pas le cas du sujet Florange.
Est-ce qu’une nationalisation de l’ensemble des sites d’ArcelorMittal était nécessaire ?
C’est une idée absurde. La sidérurgie française n’en avait pas besoin. Elle a des handicaps mais elle est compétitive, malgré des coûts de main d’oeuvre importants. Dunkerque est l’une des deux meilleures usines d’Europe. Mais il faut être réaliste, la sidérurgie française ne sera pas une industrie exportatrice (hors d’Europe). Elle a donc besoin d’avoir des clients performants à proximité. Il faut avoir une filière industrielle forte.
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