Avec Google, on découvre la lune (fiscale), celle du fonctionnement de l’Europe
A travers Google, les politiques sont en train de découvrir l’application des principes de régulation européens. Bien, entendu on s’attaque à Google, un américain, puissant et donc méchant mais toutes les grandes sociétés fonctionnent sur ce principe. : internaliser les charges et externaliser les bénéfices. C’est d’autant plus facile qu’il y a en Europe la liberté de prestations de service. Pour les non-initiés : l’affaire du plombier polonais. Un exemple dans le transport de fret, nombre d’entreprises ont virtuellement délocalisé leur siège au Luxembourg, en Espagne ou dans les pays de l’est. Ces entreprises pour l’essentiel sont soumises au régime fiscal (et social) du pays où se situe le siège social. S’y ajoutent des transferts entre filiales bidon, en fait des filiales de refacturation pour récupérer les profits. C’est le principe même du fonctionnement de l’Europe qui se réduit à un vaste marché sans règles communes à l’intérieur et ouvert sans protection sur l’extérieur. Certes, il ne s’agit pas de fermer les frontières nationales ou européennes mais de réguler, un gros mot pour les technocrates européens fraichement convertis au libéralisme sauvage. (Les derniers convertis sont toujours les plus militants en religion comme en économie ; un exemple hors Europe l’ancien socialiste, énarque, patron de l’OMC devenu l’un des plus fervents défenseurs du « libre » échange). Le géant américain Google, qui a démenti s’être vu notifier un redressement fiscal de près d’un milliard d’euros en France, joue effectivement sur toute la gamme de l’optimisation fiscale afin de réduire son impôt sur les sociétés. Il fait notamment son miel d’un montage financier connu sous le nom de «Double Irlandais» et «Sandwich hollandais». Dans un rapport sénatorial publié en juin dernier, le président UMP de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, a décrit ce mécanisme particulièrement utilisé par des entreprises détentrices de brevets. Marini relève qu’outre Google, «Facebook ou encore Microsoft» y ont recours. La première étape de ce schéma voit Google US Inc concéder ses droits de propriété intellectuelle, comme les brevets et les marques, à une société irlandaise basée aux Bermudes. Cette société, Google Ireland Holdings, verse à Google US Inc, en contrepartie de ces droits, une redevance « dont le prix est fixé le plus bas possible pour limiter la charge fiscale aux Etats-Unis », précise le sénateur Marini, qui note également que ce prix de transfert a été validé par l’administration américaine. De droit irlandais, Google Holdings Ireland est la maison mère d’une filiale dénommée Google Ireland Limited installée à Dublin. Cette filiale, qui emploie près de 2.000 personnes et réalise l’ensemble du chiffre d’affaires de Google pour l’Europe (dont la France), le Moyen-Orient et l’Afrique, soit près de 11 milliards de dollars (8,5 milliards d’euros environ), devient le concessionnaire des droits de propriété intellectuelle détenus par «sa mère» en contrepartie d’une redevance chiffrée par le sénateur Marini à 5,4 milliards de dollars (4,16 milliards d’euros). «Le paiement de la redevance permet de renvoyer le bénéfice réalisé à la mère installée aux Bermudes», écrit Marini, qui souligne que, bien que de droit irlandais, Google Holdings Ireland échappe à l’impôt sur les bénéfices irlandais au motif qu’elle a son centre de management effectif basé aux Bermudes. Quant à Google Ireland Limited, elle passe le paiement de sa redevance à sa société-mère en charge déductible de son impôt sur les bénéfices réduisant d’autant ce dernier. Pour rendre le système encore plus efficace, Google met à profit une règle du droit irlandais selon laquelle les redevances liées à l’exploitation d’un droit de propriété sont totalement exemptées d’imposition si elles sont transférées à l’intérieur de l’Union européenne. Un transfert à l’extérieur de l’Irlande donnerait lieu à une taxation minime. En conséquence de quoi, le groupe américain a décidé d’intercaler entre les deux sociétés irlandaises une société néerlandaise, Netherlands Holdings BV, par laquelle transite le paiement des redevances. Marini conclut ainsi sa description: «au total, près de 99,8% des bénéfices réalisés à Dublin sont perçus par Google Ireland Holdings sise aux Bermudes… où l’imposition sur les bénéfices n’existent pas».
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