Avertissement des investisseurs étrangers à la France pour Général Electric
Mise en garde contre les signaux négatifs que la France envoie aujourd’hui aux investisseurs étrangers. Par Nani Beccalli responsable européen GE (interview Le figaro)
General Electric est un géant. Le conglomérat américain, qui emploie 300.000 personnes dans le monde et pèse plus de 230 milliards de dollars en Bourse, est un des plus grands industriels de la planète dans ses principaux métiers (énergie, aviation et transports, santé, finance…). Le groupe a publié vendredi un bénéfice net trimestriel de 3,5 milliards de dollars (+8,3 %).
LE FIGARO. – General Electric est un géant mondial, très présent en Europe et dans de nombreux métiers. Quelles sont à vos yeux les perspectives de l’économie européenne?
Nani BECCALLI. - L’environnement économique en Europe est clairement difficile. Mais il faut garder à l’esprit quelques grandes distinctions. D’abord, il ne faut pas faire l’amalgame entre les finances publiques, le système financier, et l’économie réelle. Ensuite, les difficultés sont loin d’être uniformes d’un pays à l’autre en Europe. J’étais récemment en Norvège, où l’activité liée à la production pétrolière est extrêmement dynamique… Je peux vous dire qu’on n’y a pas le sentiment d’un pays en crise! Globalement, l’Europe du Nord se porte bien. En Europe centrale et orientale, les économies sont tirées par les afflux d’investissements destinés à reconstruire les grandes infrastructures pour les amener au même niveau que le reste de l’Europe. L’Allemagne, certes, ralentit, mais on y garde un grand sentiment de confiance. Les problèmes se concentrent donc au sud, mais là aussi avec des situations contrastées. Les Italiens restent riches ; c’est l’État italien qui est dramatiquement appauvri et pour longtemps. L’Espagne souffre d’avoir concentré son activité sur un seul secteur, la construction. Reste la Grèce qui, elle, est toujours en crise…
L’Européen que vous êtes a-t-il des difficultés à «expliquer l’Europe» aux dirigeants américains du groupe?
C’est vrai que c’est très difficile d’expliquer le fonctionnement de l’Europe aux États-Unis et ailleurs dans le monde, à des dirigeants souvent nourris par la presse anglo-saxonne dont la vision des choses est partielle. Cela m’a pris beaucoup de temps ces deux ou trois dernières années. Sans être excessivement optimiste, je pense que l’Europe est aujourd’hui en train de se doter des moyens de surmonter la crise, grâce à l’action de Mario Draghi et à la création du MES notamment.
Dans cette carte d’Europe que vous venez de dessiner, où placez-vous la France?
Pour être honnête, la France m’inquiète un peu. Depuis la transition politique, votre pays envoie des signaux qui n’encouragent pas l’investissement, et qui, vu de l’étranger, n’en font pas le pays où il faut être. Si j’avais une recommandation à faire, ce serait que la France fasse très attention aux messages qu’elle est en train de faire passer, au sentiment général qu’elle est en train de créer à son sujet. Bien sûr, il ne s’agit parfois que de grands titres dont les médias étrangers se font l’écho allègrement. Mais la façon dont sont abordés des sujets comme le travail, la retraite, les revenus individuels, créent de l’inquiétude. Les investisseurs, qu’ils soient financiers ou industriels, recherchent un environnement positif, sinon c’est le capital qui s’enfuit. La France n’est pas une île.
Cela a-t-il des conséquences pour GE en France?
La France est notre deuxième pays en Europe. Nous y employons 11.000 personnes, dont 7500 environ dans nos huit usines. Nous exportons, selon nos métiers, 70 à 95 % de notre production. Nous y avons notre plus grande joint-venture dans le monde, celle formée avec Snecma. Belfort est notre deuxième site industriel dans le monde pour la fabrication de turbines. GE a fortement investi ici, avec le rachat de Converteam l’an dernier, et de nouveau à Belfort cette année, avec l’aide de la région, d’ailleurs. Nous n’avons nullement l’intention de remettre en cause tout cela, mais l’environnement actuel nous rend très prudents pour nos futurs investissements en France. Nous serons attentifs aux décisions qui seront prises, aux réformes qui seront mises en place.
Que pensez-vous du débat actuel sur la compétitivité?
La France a des réformes à mener pour être plus compétitive, notamment concernant son marché du travail et son système de retraites. Mais ce sujet n’est pas seulement franco-français. C’est toute l’Europe qui doit réfléchir à sa compétitivité et l’envisager face à ses grands concurrents que sont la Chine, les États-Unis, et, dans une moindre mesure, l’Inde. Elle doit le faire en ayant conscience de son potentiel. Avec 16.000 milliards de dollars de PIB en 2011, l’Europe génère autant de richesse supplémentaire que la Chine – 7500 milliards de PIB – quand celle-ci croît de 6 %. Il faut seulement que l’Europe se donne les moyens de trouver ces 2 % de croissance, avec une union bancaire, avec une harmonisation fiscale et avec une politique économique commune. Prenons l’exemple de l’énergie. Qu’il s’agisse des matières premières, de la production ou encore de la transmission et de la distribution d’énergie, c’est un enjeu qui mériterait une stratégie globale à l’échelle européenne et non au niveau national. L’Europe a plus de ressources énergétiques qu’elle ne le croit. Elle a du gaz en mer du Nord et en zone méditerranéenne.
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