Europe : le bateau ivre et sans capitaine ; une crise de gouvernail
Hollande aurait réorienté l’Europe ( ah bon !) mais Merkel l’a désorienté. En faiat une absence totale de perspective crédible. Bref l’Europe tourne en rond. Ce qui n’a pas été changé et qui est fondamental c’est la logique européenne : faire un grand marché de plus en plus vaste et seulement cela, sans règle et sans vison, donc sans outils de gouvernance. Merkel, Monti, Hollande Barroso, Cameron, aucun n’a la même vision ; du coup on se paralyse. L’optimisme est retombé comme un soufflé. Rassérénés par l’annonce, début septembre, d’une intervention « illimitée » de la Banque centrale européenne pour racheter la dette à court terme des pays qui feront appel aux fonds de secours de la zone euro, les investisseurs sont en train de déchanter. Depuis un mois, les principales Bourses de la zone euro sont orientées à la baisse. Les Européens semblent être retombés dans leur travers. Comme souvent, pas grand-chose de ce qui a été promis n’a trouvé de traduction concrète. L’Espagne rechigne toujours à se placer sous la protection du Mécanisme européen de stabilité (MES), le pare-feu permanent doté à terme d’une capacité de prêt de 500 milliards d’euros, enfin inauguré en début de semaine. La BCE n’a donc pas pu passer à l’action. Mariano Rajoy veut être certain de ne pas être mis sous tutelle par ses partenaires, qui entendent fixer des conditions très strictes en échange de l’intervention du mécanisme. Pour préserver son opinion publique, le chef du gouvernement conservateur au pouvoir se permet de jouer avec le feu, attendant de voir si la détente observée sur les taux d’emprunt de son pays va se prolonger avant de faire le premier pas. Mais il n’est pas le seul à risquer une nouvelle dégradation de la situation. L’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande ont même enclenché la marche arrière. Ils semblent vouloir revenir sur une avancée du sommet européen des 28 et 29 juin derniers, au cours duquel les chefs d’État et de gouvernement s’étaient mis d’accord pour recapitaliser directement les banques espagnoles via le fonds de secours provisoire de la zone euro ou son successeur, le MES, dès lors que la supervision européenne des banques par la BCE serait opérationnelle. La mesure, pourtant essentielle pour couper le cercle vicieux entre les bilans bancaires et la dette des États, ne s’appliquerait finalement pas aux établissements en difficulté avant l’entrée en vigueur du mécanisme ! En d’autres termes, l’Espagne serait obligée d’emprunter au MES pour prêter ensuite elle-même à ses banques, quitte à gonfler encore sa dette, en augmentation exponentielle… Cette volte-face est tout sauf anodine. Elle a déjà été invoquée – entre autres raisons – par Standard & Poor’s pour justifier l’abaissement, jeudi, de la note de l’Espagne de deux crans, dans la catégorie spéculative. Car, même si les autres pays arrivaient à faire fléchir le trio, l’union bancaire pourrait bien ne pas être prête début 2013, comme prévu initialement. L’Allemagne n’entend en effet pas voir ses banques régionales, très proches des barons des Länder, passer sous le contrôle de la BCE. Une attitude qui pourrait retarder le projet… En attendant, la conjoncture économique continue de se dégrader, sous l’effet des plans de rigueur généralisés. Comme le souligne Barclays dans sa note de la semaine, la conjoncture se dégrade particulièrement en France. L’indice PMI d’activité dans l’industrie et les services y a chuté en septembre « à un niveau comparable à ceux de l’Italie et de l’Espagne ». Et depuis cinq trimestres, la croissance est nulle. Selon le Fonds monétaire international, Paris n’atteindra donc pas ses objectifs de réduction des déficits à 3 % en 2013. Pour y parvenir, le gouvernement table encore sur une prévision de croissance de 0,8 % du PIB quand l’institution de Christine Lagarde anticipe seulement 0,4 %. Celle-ci a d’ailleurs mis en garde, jeudi depuis Tokyo, contre les dangers d’une cure d’austérité trop frontale. En partie visée, Angela Merkel n’entend pas céder sur la réduction des déficits et de la dette. La chancelière allemande a en revanche montré un signe d’ouverture en promettant de soutenir la consommation dans son pays. « Quand nous soutenons bien notre consommation intérieure, l’avantage est que nous pouvons naturellement importer davantage des autres pays de l’Union européenne », a-t-elle reconnu. Pour la première fois depuis de nombreuses années, les salaires allemands augmentent et l’État pourrait consentir à des baisses d’impôts pour stimuler l’activité. Une ouverture nécessaire, mais pas suffisante. Les Européens vont donc devoir de nouveau surmonter leurs différends, au prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement prévu les 18 et 19 octobre prochains, s’ils veulent sortir leurs économies de la stagnation, voire de la dépression. Ils devront notamment définir l’attitude à adopter vis-à-vis de la Grèce qui réclame deux ans supplémentaires pour atteindre les objectifs qui lui ont été assignés. Christine Lagarde a plaidé jeudi pour la clémence. Angela Merkel paraît disposée à l’entendre. Mais cela ne saurait être suffisant. « On ne peut pas être dans le business as usual. Il faut des décisions fortes, structurelles », avait prévenu Pierre Moscovici en recevant son homologue italien à Paris en septembre. Nul doute que les marchés le prendront au mot.
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