Une union financière européenne ou une rustine ?
Quand l’euphorie gagne bien difficile de reconnaître le vrai du faux, l’approximatif de l’exactitude. Pour l’instant c’est l’euphorie qui est privilégiée. Malheureusement structurellement rien n’est réglé. Les dirigeants de la zone euro se sont accordés sur une supervision commune de leurs banques et des mesures d’urgence pour enrayer la hausse des taux d’intérêt auxquels des Etats-membres doivent emprunter sur les marchés. Obtenu dans la nuit de jeudi à vendredi, cet accord, premier pas vers une union bancaire, a rendu les marchés financiers euphoriques. Il constitue une victoire pour les dirigeants italien et espagnol, qui en avaient fait une condition à la signature par Madrid et Rome d’un pacte de croissance approuvé jeudi par les 27 pays de l’Union européenne au Conseil européen de Bruxelles. On voit mal comment le fonds européen pourrait constituer à lui seul un rempart contre la hausse des taux. En effet le fonds européen (FESF fusionné avec le MESF) va disposer de 700 milliards mais 300 sont déjà partis pour aider les pays en difficultés ; en outre sur les 700 milliards, 250 doivent être apportés par l’Italie, la Grèce, l’Irlande et le Portugal ; des pays qui ne peuvent emprunter déjà qu’à des conditions exorbitantes pour leurs propres besoins. A moins que le fonds ne leur prête aussi la cotisation qu’ils doivent au MES ! En réalité, il ne reste pratiquement rien à ce fonds de solidarité ; à moins de l’emprunter. le FESF puis le MES ne pourront prêter aux États ou aux banques que de l’argent qu’ils auront eux-mêmes levé sur les marchés avec la garantie explicite des pays membres de la zone euro. Mais le sommet a décidé de supprimer partiellement la séniorité (remboursement prioritaire) dont dispose ce fonds. Cette perte de séniorité, si elle se confirme, signifie que le MES ne sera pas remboursé en premier en cas de défaut de l’un de ses créanciers. Comment les investisseurs réagiront-ils lorsqu’on leur demandera de prêter de l’argent au fonds de secours européen pour que ce dernier prête ensuite à l’Espagne sans être certain de récupérer sa mise? Cela revient à dégrader la qualité de crédit du fonds et donc à renchérir ses coûts d’emprunt. Ensuite, les délais de mise en œuvre de ces décisions s’annoncent bien plus longs que ne le pensent les marchés. La chancelière Angela Merkel a cependant aussi obtenu des concessions importantes, dont l’assurance que la Banque centrale européenne (BCE) jouera un rôle clé dans la supervision du secteur bancaire de la zone euro. Dans une déclaration adoptée à l’aube après une nuit de négociations, les 17 jugent « impératif de briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les Etats ». Ils demandent au Conseil européen d’examiner d’urgence, « d’ici la fin de 2012″, des propositions sur un « mécanisme de surveillance unique » du secteur bancaire, « auquel sera associée la BCE ». Une fois que ce dispositif aura été créé, le Mécanisme européen de stabilité (MES), un des fonds de sauvetage financier européens, pourra recapitaliser directement des banques. En bref, le MES n’est pas encore opérationnel et surtout ses moyens sont très en dessous des besoins des pays en difficultés ; on s’apercevra, sans doute d’ici quelques mois, que le MES est uen rustine et que va se reposer la question de l’intervention directe de la BCE.
0 Réponses à “Une union bancaire européenne ou une rustine ?”