Les banques françaises cachent leurs emprunts à la BCE, inquiétudes des investisseurs
Contrairement aux banques italiennes ou anglaises, les banques françaises refusent de communiquer sur leur participation à la deuxième opération de refinancement à trois ans (LTRO) organisée mercredi par la Banque centrale européenne (BCE). Cette dernière a prêté près de 530 milliards d’euros aux banques, portant à plus de 1.000 milliards le montant global des capitaux prêtés à trois ans aux établissements financiers dans le but d’éviter un assèchement du crédit. Si la banque mutualiste BPCE a prévenu qu’elle n’irait pas emprunter des liquidités à la BCE, les trois autres grandes banques françaises ont refusé de dire si elles avaient choisi de profiter du taux de 1% actuellement offert par l’institution européenne. Pourtant, certains analystes financiers déclarent avoir obtenu de ces établissements des informations sur leur participation à cet exercice de refinancement. Ainsi les analystes de Morgan Stanley ont indiqué dans une note de recherche publiée jeudi que BNP Paribas et Crédit agricole y avaient participé. BNP Paribas « a confirmé qu’ils ont participé et pris plusieurs milliards », écrit Morgan Stanley. En tout état de cause, la communication des banques françaises à ce sujet interpelle les observateurs. « Je trouve que c’est une maladresse à partir du moment où d’autres banques ont clairement répondu, soit en disant qu’elles n’y étaient pas allées, soit en disant qu’elles y étaient allées et pour quel montant », juge Christophe Nijdam, analyste chez Alphavalue. Pour lui, les banques n’avaient rien à perdre à jouer la transparence. « Elles auraient du coup gagné en image », ajoute-t-il. Il n’est donc pas étonnant, d’après « les Echos », que les banques françaises présentent encore un risque très élevé et surtout manque de transparence. Pour BNP par exemple le risque est aussi élevé que celui de Commerzbank qui a bénéficié de 18 milliards d’apports publics. Le risque que BNP Paribas ne rembourse pas sa dette est aussi aujourd’hui élevé selon les marchés que celui de Commerzbank, la banque allemande soutenue hors de l’eau grâce à 18 milliards d’euros d’injection publique. Quant à ceux de la Société Générale ou du Crédit Agricole, ils sont considérés comme bien plus forts encore. Le CDS (credit default swap) de la banque de la rue d’Antin, qui faisait concurrence en tête avec celui du Britannique HSBC, parmi les plus bas durant la crise, émargeait en effet ce mercredi, après la nouvelle opération de LTRO, à 191 points de base, contre 189 pour la banque allemande. Ceux de la banque verte et de celle de la Défense frisaient eux les 238 points et 260 points, selon les données Markit. «Les banques françaises sont prises au piège entre le pragmatisme des banques britanniques et italiennes qui y voient l‘opportunité d‘obtenir des liquidités peu cher et le dogmatisme allemand qui estime qu’il y a un risque de réputation», indique David Benamou, président d’Axiom, spécialiste dans la gestion alternative sur le secteur bancaire. Résultat, les banques françaises ne tirent pas tous les avantages de leur recours à la BCE. «Le marché sanctionne les banques françaises, estime François Lavier, analyste gérant chez Lazard Frères Gestion, spécialiste des dettes bancaires. »L’investisseur est suspicieux en général et n’apprécie pas le manque de transparence. Les banques françaises se sont longtemps vantées d’être les bons élèves de la classe bancaire européenne mais refusent de communiquer sur leurs ratios de liquidité par exemple, contrairement aux banques scandinaves ou britanniques. Pour le LTRO, c’est la même chose. Du coup, tous les investisseurs anticipent ou calculent des ratios pénalisants, par précaution, même si le piètre score des banques françaises sur ces ratios est un secret de polichinelle. Il serait bon que les banques françaises fassent preuve de davantage de modestie et de plus de transparence. Le parapluie protecteur de l’Etat français ne sera pas éternel et l’avantage compétitif que les banques françaises retirent de leurs « bons » rating n’est pas non plus définitivement acquis.». À mi-juillet, les banques du pays empruntaient 19,6 milliards d’euros via les opérations de moyen et long terme de la BCE, déposaient 7,9 milliards sur les facilités de dépôts et 40,9 milliards en compte courant pour leurs réserves obligatoires, soit en net une situation créditrice des banques françaises vis-à-vis de l’euro système de 29,2 milliards d’euros. À la mi-janvier, cette situation était devenue débitrice de 10,3 milliards. À mi février, nous sommes passés à une situation toujours débitrice de 29,9 milliards, avec le recours aux facilités d‘urgence de Dexia. Sans compter les sommes empruntées par les filiales italiennes, belges et grecques.