La SNCF en bonne santé financière va verser des dividendes, vraiment ?
Apparemment la SNCF est en bonne santé puisqu’elle va verser un dividende record à l’Etat français de 230 millions d’euros au titre de l’année 2011, Les « Echos » indiquent que ce montant traduit une très bonne performance opérationnelle en 2011 et correspond à 30% du résultat net récurrent, souligne le quotidien. Début décembre, le PDG du groupe ferroviaire public, Guillaume Pepy avait indiqué que la SNCF sera « dans le vert de façon significative » soulignant que cela lui permettra de verser un dividende à l’Etat mais également aux salariés. Depuis 2007, la SNCF a décidé de verser un dividende à l’Etat qui est propriétaire du groupe ferroviaire et son unique actionnaire. En 2010, le groupe de transport avait versé 69 millions d’euros à l’Etat. Cette information a été reprise par la plupart des médias sans autre commentaire. Dommage car la situation financière du ferroviaire en France n’est pas aussi rose qu’il apparaît, on peut même considérer que la rail est sous perfusion financière permanente. La SNCF a toujours bénéficié d’une grande tolérance et Pouvoirs publics (et des médias) vis-à-vis de sa situation financière catastrophique. Sans doute pour éviter d’avoir à affronter d’une part le corporatisme de certains syndicats, d’autre part la caste des technocrates qui dirigent la grande maison. L’agence de notation Moody’s n’a eu pas les mêmes scrupules, quand elle a annoncé la suppression de le note AAA considérant alors que la compagnie publique perd progressivement son monopole dans le transport ferroviaire, et que le soutien de l’Etat se relâchera. Ce que confirment les résultats des dernières assises sur l’avenir du fer en France. La note de la dette long terme de la SNCF passe de AAA à « Aa1. S&P avait enclenché le mouvement en dégradant en juin 2010 la note de la SNCF de « AAA » à « AA+ », partant du fait que plus la SNCF s’aventurera dans le domaine concurrentiel, moins elle pourra appeler l’Etat au secours en cas de problème. En dépit d’un endettement colossal, la SNCF du fait de son statut (EPIC) bénéficiait jusqu’à maintenant de la garantie implicite de l’Etat, ce qui lui permettait d’emprunter aux meilleurs conditions. Les agences de notation considèrent désormais qu’eu égard à l’endettement de la France (86% du PIB), l’Etat ne pourra plus continuer à soutenir dans les mêmes conditions cette entreprise. On le sait, la question de la SNCF est en grande partie taboue et réservée aux spécialistes et aux lobbies. On peut parler des trains en retard mais nullement des problèmes fondamentaux relatifs à la gestion ou à la technologie ferroviaire. Chacun sait pourtant que sans l’aide de la collectivité, le fer serait mort depuis longtemps puisque le rail est subventionné à hauteur d’environ 50%, soit de l’ordre de 10 milliards par an alors que la dette totale du fer (SNCF, RFF, SAAD) dépasse 40 milliards. Evidemment un petit résultat positif est mieux qu’un résultat négatif. En fait, c’est très symbolique Les 230 millions de dividendes pour l’Etat sont à comparer aux 10 milliards environ de soutien annuel de la collectivité. En fait ce résultat est ridicule et ne sert qu’à masquer uen situation financière catastrophique liée à la structure , aux niveaux des coûts, et au corporatisme tant des certains syndicats que de certains dirigeants. La vérité c’est que la SNCF ne dispose pratiquement d’aucune marge d’autofinancement et qu’elle va continuer de s’endetter (comme RFF) pour se moderniser. La seule évocation très grossière des ces chiffres inquiétants suscite aussitôt des polémiques sémantiques vis-à-vis de laide de l’Etat (subvention ? Contribution ? Remboursement ? Compensation ? Paiement de prestations ? Etc.). Une analyse détaillée des comptes ne clarifie pas pour autant le débat car on oppose alors immédiatement des arguments corporatistes, politiques, idéologiques ou encore écolo pur et dur. Ce qui est certain, c’est que cette situation ne pourra durer. Ce qui a pu être toléré pendant longtemps était possible eu égard à la situation financière du pays. Mais depuis plusieurs années, la France est engluée dans une croissance molle, accumule les déficits budgétaires, fait grossir sa dette et devient aussi une cible pour les agences de notation (voir les avertissements de l’OCDE et des agences) La dette de la France sera de l’ordre de 87% du PIB en 2011, le déficit du budget de l’Etat était de 150 milliards en 2010, il sera du même ordre en 2011 en raison du tassement économique. Il faudra bien le réduire cet endettement y compris en exigeant des efforts de la part du rail. Cette question a été abordée lors des assises sur l’avenir du rail mais aucune décision ne sera prise avant les élections car la période n’est guère propice aux décisions courageuses. Le problème reviendra sur le devant de la scène vers 2013. Certes la SNCF n’est pas seule responsable ; certains facteurs explicatifs exogènes sont indiscutables (non apurement de la dette lors de la création de l’EPIC, niveau des péages, situation financière de RFF, schéma de lignes nouvelles irréaliste), d’autres endogènes doivent être reconnus (insuffisance de productivité, manque de capacité à s’adapter à la concurrence, conflits sociaux, état des lignes, le manque de rigueur). Dommage que les médias y compris économiques se soient contentés de reprendre les seules informations de la SNCF sans autre analyse. De ce point de vue nous vivons aussi une crise de crédibilité des médias qui sans doute n’est pas étrangère à leurs difficultés (déficit récurrent pour les « Echos », menace de disparition pour « la Tribune ».)
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