Fraude sociale : faux débat et fausses évaluations
Le chef de l’Etat s’en est pris vivement à la fraude sociale ce lundi notamment au travail au noir qui aux dires des « spécialistes » représenteraient 20 milliards. Si le développement du travail au noir n’est pas discutable, on doit s’interroger sur ses causes, ses conséquences et aussi sur cette évaluation financière. En premier lieu, il n’est pas nécessaire d’être un grand spécialiste pour constater que la montée du travail au noir est directement corrélée avec la montée du chômage. Or aujourd’hui nous atteignons des chiffres record, sans doute proches de 10% si on tient compte du nettoyage des listes, chiffres auxquels il faut ajouter environ 5% de chômeurs aidés qui ne figurent plus sur les listes ; de sorte que nous atteignons donc environ 15%. La raison est connue : l’absence de croissance. En dessous de 2% de croissance du PIB, on ne parvient pas à réduire le chômage. Avec une petite croissance de 1.5% en 2011, une récession en fin d’année et une croissance très hypothétique de 0.5% en 2012, on voit mal comment le chômage pourrait diminuer. Le travail au noir se développe dans les activités de main d’œuvre, services et bâtiments notamment. A cela une raison, le manque de compétitivité liée au niveau de la fiscalité qui plombe la compétitivité. Certaines prestations ou produits ne sont plus compétitifs vis-à-vis de la demande externe ou ne sont plus accessibles financièrement à la demande interne. Pour évaluer cette pertes de 20 milliards de recettes fiscales, on mesure, de manière très grossière le niveau du travail non déclaré et on multiplie par le taux de fiscalité sociale qui serait applicable si ce travail était déclaré. Un raisonnement économiquement approximatif et très peu pertinent. Par exemple pour les travaux de bâtiments, bon nombre de prestations ne seraient pas exécutées si elles devaient être assurées par des entreprise déclarées, donc soumises ou prélèvements sociaux. La solvabilité de la demande étant insuffisante pour solliciter une entreprise en règle. Ceci étant, si effectivement il y a un déficit de recettes fiscales sur la main d’œuvre, il faut tenir compte que l’achat de matériaux génère une croissance non négligeable. Témoin de développement exponentiel des magasins de vente de matériaux et de bricolage. En outre le travail dit au noir ne donne pas lieu systématiquement lieu à rémunération puisqu’il résulte d’une forme d’entraide entre « bricoleurs », une sorte d’échanges de services qui ne peuvent être taxés. Ce travail non déclaré va croitre au rythme de la montée du chômage. Dernier élément, la difficulté qu’il y a des trouver dans des délais raisonnables des artisans compétents. En fait les entreprises de bâtiments reconnaissent elles-mêmes qu’elles sont incapables de faire face à la demande dans des conditions de temps acceptables faute de main d’œuvre. Une insuffisance de main d’œuvre lié à son coût (surtout depuis a mise en pace des 35 heures) et à la difficulté de recruter des jeunes. Le système éducatif en poussant les jeunes vers des études trop générales assèchent le réservoir de recrutement des apprentis. Ajoutons à cela des règles de plus en plus draconiennes quant à l’utilisation des apprentis, comme par exemple l’interdiction d’utiliser un apprenti à une hauteur de plus de 4 m pour les travaux de couverture. Autant dire que l’apprenti doit apprendre son métier sans pratiquement jamais monter sur un toit ! Conclusion, c’est bien la fiscalité excessive et la croissance trop faible qui constituent les facteurs explicatifs d’un phénomène dont par ailleurs l’évaluation des pertes fiscales est tout à fait théorique et méthodologiquement plus que contestable. Il ya sans doute de vraies filière d’évasion de fiscalité sociale qu’il faut combattre (notamment dans le transport international lorsqu’il intervient sur le marché national via le cabotage) mais s’attaquer en général au travail au noir sans discernement relève davantage de la préoccupation électorale que de l’analyse économique et sociale.
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