La rentabilité des TGV menacée ?
Les péages payés par la compagnie ferroviaire pour faire rouler ses trains sur le réseau devraient augmenter de 940 millions d’euros entre 2008 et 2013, soit une croissance d’environ 75 %. Sur dix ans, la hausse serait de 145 %, assure la SNCF. « Dans les conditions économiques actuelles, le résultat courant de TGV sera nul d’ici à trois ans si on continue sur cette voie », a averti Mireille Faugère, directrice générale déléguée en charge des grandes lignes. L’an dernier, ce résultat courant tournait autour de 900 millions d’euros. L’augmentation des péages est prévue depuis très longtemps mais elle a été retardée (plus exactement ralentie) à la demande de la SNCF. Ce décalage a d’ailleurs mis le propriétaire des infrastructures, RFF, dans une position financière intenable non seulement pour financer les nouveaux projets mais même pour entretenir le réseau. Du coup, on se tourne vers l’Etat qui évidemment n’est pas mieux loti en matière d’endettement et qui porte déjà à bout de bars le ferroviaire. La question n’est pas nouvelle mais elle prend une dimension inquiétante en ces temps de disettes budgétaires. « C’est une vue de l’esprit de dire que le système ferroviaire peut s’autofinancer. Au contraire, plus le réseau ferroviaire sera important, plus il coûtera cher », déclare. David Azéma, directeur général délégué en charge de la stratégie. A la demande d’aide financière pour les TGV s’ajoute depuis peu une autre demande d’aide pour les trains d’aménagement du territoire, c’est-à-dire pour parler clair des trains hors TGV non rentables. Le problème des TER, portées eux-aussi à bout de bras par les régions, risque aussi de se reposer compte tenu d’une part des coûts d’exploitation et des modernisations nécessaires. Un premier débat s‘est déjà tenu au conseil économique et social sur l’ouverture à la concurrence des TER. On le sait, la question de la SNCF est en grande partie taboue et réservée aux spécialistes et aux lobbies. On peut parler des trains en retard mais nullement des problèmes fondamentaux relatifs à la gestion ou à la technologie ferroviaire. Chacun sait pourtant que sans l’aide de la collectivité, le fer serait mort depuis longtemps puisque le rail est subventionné à hauteur d’environ 50%, soit de l’ordre de 10 milliards par an alors que la dette totale du fer (SNCF, RFF, SAAD) dépasse 40 milliards. La seule évocation très grossière des ces chiffres inquiétants suscite aussitôt des polémiques sémantiques (subvention ? Contribution ? Remboursement ?compensation ? Paiement de prestations ? Etc.). Une analyse détaillée des comptes du rail ne clarifie pas pour autant le débat car on oppose alors immédiatement des arguments corporatistes, politiques, idéologiques ou encore écolo pur et dur. Ce qui est certain, c’est que cette situation ne pourra durer. Ce qui a pu être toléré pendant longtemps était possible eu égard à la situation financière du pays. Mais depuis plusieurs années, la France est engluée dans une croissance molle, accumule les déficits budgétaires, fait grossir sa dette et devient une cible pour les agences de notation (voir les avertissements de l’OCDE et de l’agence Standard et Porr’s ). 4000 milliards de dettes pour la France, 2000 officiellement quand on occulte certaines, soit pour être mieux compris entre 30 000 et 60 000 euros par habitant ! Le déficit du budget de l’Etat était de 150 milliards en 2010, il faudra bien le réduire y compris en exigeant davantage de rigueur de gestion et d’efficacité dans le rail. Il n’y a certes pas urgence à résoudre immédiatement cette question car la période électorale n’est guère propice aux décisions courageuses. Le problème reviendra sur le devant de la scène vers 2013, il y a donc le temps d’engager un débat serein, argumenté à moins de se résoudre évidemment au dépérissement du rail. Le fret de ce point de vue offre un bon champ de réflexion. Depuis des années, le fret ferroviaire ne cesse de diminuer au point qu’aujourd’hui, il représente moins de 5% de parts de marchés en chiffre d’affaires. De plan en plan, de directeur du fret en directeur du fret, l’activité marchandises est devenue complètement marginale. Sur la tendance la suppression pourrait être totale d’ici une dizaine d’années en dépit des incantations écologiques des ministres eux mêmes. Certes la SNCF n’est pas seule responsable ; certains facteurs explicatifs endogènes sont indiscutables d’autres exogènes doivent être reconnus comme l’évolution structurelle de la nature des échanges (nature des biens échangés, éclatement des lots, tension des flux etc.). Il reste que la SNCF n’a jamais été capable ni de moderniser une organisation de production devenue obsolète, ni d’améliorer sa qualité et sa compétitivité. Conséquence : 500 gares ont été fermées au trafic ferroviaire direct en quelques années. Un gâchis énorme, en complète contradiction avec les promesses gouvernementales cent fois réitérées de revitaliser le fret ferroviaire. Peut-être serait-il temps de s’interroger enfin sur la structure et le niveau des coûts qui constituent sans doute le handicap le plus sérieux au développement du rail.
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